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Miroir aux alouettes

Par Borokoff

A propos de La Piel que Habito de Pedro Almodovar4 out of 5 stars

Antonio Banderas, Elena Anaya - La Piel que Habito de Pedro Almodovar - Borokoff / Blog de critique cinéma

Antonio Banderas, Elena Anaya

Brisé par la mort de sa femme, douze ans plus tôt, qui se défenestra après avoir été brûlée au troisième degré dans un accident de voiture, Robert Ledgard, un chirurgien esthétique de Tolède, a créé une nouvelle peau humaine beaucoup plus résistante aux agressions extérieures. Une peau qui aurait pu sauver sa femme du feu. Lorsque sa fille se défénestre, Ledgard kidnappe celui qu’il croit être son violeur et le transforme peu à peu en femme en lui greffant des nouveaux organes génitaux et une nouvelle peau. Mais sa « créature » commence à ressembler de plus à plus à feu son épouse…

Dans Étreintes brisées, une question lancinante revenait : Comment vivre sans devenir fou avec le souvenir de celle que l’on a aimée mais qui n’est plus ? Dans La Piel que Habito (en français : La Peau que j’habite), un docteur pousse la folie plus loin, vouant un véritable culte à son ex-épouse au point de vouloir recréer, par le biais de la chirurgie, son sosie parfait et l’image la plus fidèle. Quitte à fabriquer des icônes….

Antonio Banderas - La Piel que Habito de Pedro Almodovar - Borokoff / Blog de critique cinéma

Antonio Banderas

Pour la première fois dans son œuvre, Almodovar met le pied dans le fantastique pour dépeindre un Dr Jekyll rongé par la mort de sa femme et qui tente de créer par le biais de la transgenèse une créature féminine à la peau invulnérable et qui ressemblerait inconsciemment à son épouse décédée. L’oeuvre d’un artiste démiurgique ?

Tout l’intérêt de La Piel que Habito, adaptation du roman Mygale de Thierry Jonquet (1984), tient dans la peinture de Ledgard (Antonio Banderas), personnage à la fois monstrueux pour le mal irréparable qu’il va faire subir au jeune homme qu’il a kidnappé et « humain, trop humain » dans l’amour illimité qu’il porte encore à sa femme et qui le rend presque touchant.

A la différence de Parle avec elle, où Almodovar semblait presque prendre parti, du moins chercher une légitimité dans le fait qu’un infirmier couche avec une femme dans le coma par frustration, sexuelle, La Piel que Habito avance sur un territoire beaucoup plus nuancé et moins ambigu ou parti-prenant. Almodovar, avec la maturité, interroge avec subtilité les paradoxes d’un personnage complexe, devenu froid et insensible dans ce qu’il fait subir à son « patient » en même temps que ravagé par la perte de deux êtres aimés.

La Piel que Habito de Pedro Almodovar - Borokoff / Blog de critique cinéma

Si Banderas semble autant (et comme rarement) à son avantage, c’est qu’il est remarquablement dirigé. Malgré la monstruosité de ses actes, Ledgard a conservé dans le fond une part (certes infime) d’humanité. On aurait aimé que la relation amoureuse qui liait Ledgard à feu son épouse soit davantage fouillée, peut-être par le biais de flashs back. C’est ce qu’il manque dans ce film qui rappelle Les Yeux sans visage (1959) de Franju mais surtout le Buñuel époque mexicaine de La vie criminelle d’Archibald de La Cruz (1955).

Mais sinon, La Piel que Habito est incontestablement réussi dans son scénario, sa mise en scène, son sens du récit et ce talent incontestable qu’a Almodovar pour raconter des histoires. Banderas, Marisa Paredes et Elena Anaya sont excellents. Si l’on est moins convaincu par l’irruption du demi-frère de Ledgard déguisé en Tigre, par certains excès almodovariens comme cette scène de partouze un peu gratuite dans un jardin, il faut saluer l’indéniable courage et le risque qu’a pris le réalisateur espagnol pour changer de registre et faire un thriller de science-fiction qui ne ressemble en rien à ce qu’il avait fait auparavant.

Passer de son cinéma chargé d’excentricités, de personnages haut en couleurs et excessifs à un film aux codes plus « classiques » et contraignants comme ce polar fantastique est un gage sinon une confirmation de sa capacité à muer et de son talent. Avec l’âge, Almodovar construit une œuvre aux accents de plus en plus graves tout en gardant des éléments de burlesque. Et le pari est assez réussi jusqu’ici…

www.youtube.com/watch?v=AcCRCygOdp8

Film espagnol de Pedro Almodovar. Avec Antonio Banderas, Elena Anaya, Marisa Paredes (2h)

Scénario : 4 out of 5 stars

Mise en scène : 4 out of 5 stars

Acteurs : 4 out of 5 stars

Dialogues : 4 out of 5 stars


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