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Kosovo : à qui (ne) profite (pas) l'indépendance ?

Publié le 21 février 2008 par Roman Bernard
Cet article a été réalisé en partenariat avec Gief, dessinateur.
Au-delà du nécessaire questionnement sur la légitimité et l'opportunité de l'indépendance du Kosovo, on peut humblement s'interroger sur ses conséquences géopolitiques générales. Outre la Serbie, qui perd là le berceau de son histoire et une province qui compte toujours près de 10 % de serbophones - que vont-ils devenir ? Les garanties données par le nouvel État sur leur protection sont-elles suffisantes ? Pourquoi la région de Mitrovica, où les Serbes sont majoritaires, n'a-t-elle pas été rattachée à la Serbie qu'elle jouxte ? -, le grand perdant est en apparence la Russie, qui malgré son activisme diplomatique pour éviter une issue fragilisant son allié slave orthodoxe, est ainsi désavouée dans les faits par la communauté internationale. La vieille rivalité américano-russe, interrompue par le désastre des années Eltsine et réactivée par la régénérescence de la Russie sous Poutine - bien aidé par la hausse des cours du pétrole et du gaz -, a trouvé dans le Kosovo un nouveau théâtre d'opérations secondaire, où les Américains ont remporté un franc succès. Mais le grand perdant est-il, comme le pense Gief, l'Europe, qui, divisée, se résigne majoritairement à cette indépendance, qui n'est pas forcément dans ses intérêts ni dans ceux de ses États-membres ? Et surtout, est-ce le moyen de conduire indirectement à l'intégration européenne de l'indéfectible allié des États-Unis au Proche-Orient, la Turquie ? Je me garderais bien, n'ayant pas davantage d'éléments que tout citoyen curieux et bien informé, de prétendre avoir une réponse à cette question délicate. En revanche, la première question posée par le dessin de Gief est particulièrement pertinente : l'Europe n'est-elle pas, comme cela était apparu lors de la guerre du Kosovo, en 1999, une simple pièce sur l'échiquier américain ? Cette question est d'autant plus pertinente que l'indépendance du Kosovo, que la diplomatie américaine peut se permettre de voir d'un oeil lointain, pose un grave problème au Vieux Continent : une région autonome a-t-elle vocation à devenir un État souverain ? Les nombreux séparatistes que compte l'Europe ont vu d'un très bon oeil l'indépendance de la province serbe, qui crée un précédent favorable pour leurs desseins futurs. L'Europe elle-même, du moins l'Union européenne, contribue à ce mouvement de balkanisation en promouvant les langues régionales, la décentralisation des États-membres, l'effacement des nations européennes. J'ai toutes les peines du monde à essayer de faire comprendre aux partisans de l'« Europe des régions » que celle-ci, à cause du trop grand morcellement des territoires et des peuples, consacrerait encore davantage le triomphe de la langue anglaise en Europe -favorisant ainsi les intérêts américains sur le continent-, allant donc à l'encontre du projet européen initial. Et que, ce qui est lié, la poursuite d'un véritable projet européen ne peut se faire qu'en harmonie avec les nations européennes, qui lui donnent son souffle, son sens et sa cohérence. En consentant à ce qu'une nation, qui avait vocation à intégrer un jour l'Union européenne, soit fragmentée en raison d'un séparatisme ethnico-religieux qui s'y est développé récemment, l'Europe va à l'encontre de l'intégrité des nations. C'est pourtant de l'intégrité des nations qui la composent que dépend sa survie en tant que pôle de puissance, car les nations ont une taille optimale pour assurer les deux objectifs a priori contraires que sont la diversité et la cohésion. Quand les dirigeants européens se rendront-ils à cette évidence ?
Roman Bernard

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