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Quatre actes de présence par Sylvie Germain

Publié le 25 août 2011 par Noann

Sylvie Germain est relativement et honorablement connue pour ses romans, moins pour ses essais. Deviendra-t-elle le nouvel écrivain-philosophe, comme Sartre et de Beauvoir ? A voir… Les essais de Germain sont assez peu accessibles au commun des mortels (d’ailleurs je n’ai rien compris – pour être honnête). Pour saisir toute la portée de ces textes, il n’est pas inutile d’être docteur en philosophie, ayant aussi étudié la théologie et la pataphilosophie des religions, ou jésuite détendeur de cinq licences universitaires. Mais rien n’empêche les béotiens d’essayer… Le seul risque est une migraine corsée !

La préface de ce livre annonce : « Depuis ces dernières années (…) l’auteur a su développer toute une réflexion à dimension spirituelle et philosophique. On avait bien remarqué, dans ses romans déjà, l’amorce de quelque chose, un début de réflexion, une philosophie sous-jacente. Mais cette fois, tout aspect romantique est abandonné, nous sommes dans la théorie pure (et dure, bien dure…).

Comment définir « quatre actes de présence » sans se tromper ? La tâche est ardue. Le livre est dense et complexe, et chacun y verra sans doute, selon son expérience et sa tendance religieuse, des aspects bien différents…

Le début s’annonce prometteur. Les premières lignes sont empreintes de sagesse. L’ouvrage tout entier est illustré d’exemples, de références de maîtres penseurs, chers à l’auteur, depuis la Bible jusque Simone Weil, très présente, en passant par Zundelet et Blanchot. Reiner Maria Rilke est lui aussi fréquemment cité.

Mais voilà qu’apparait Dieu, et oserais-je dire, le mot qui convient est : patatras. L’ouvrage prend une tournure toute différente. Différente parce qu’éclairée par la suprême vérité catholique, tel qu’elle est, voie unique, difficile à éluder, incontournable.

quatre actes de présence

« Dieu écoute Dieu en l’homme qui fait silence, Dieu parle à Dieu en l’homme en état d’écoute, Dieu écoute l’homme silencieux, Dieu parle à l’homme écoutant. »

Même chez les jésuites (douze ans quand même), je n’avais rien entendu de semblable. Parfois je me suis senti comme devant « Questions pour un champion ». Un peu bêêête.

Mais d’un autre côté, quelques idées sont intéressantes et accessibles :

« Sous l’effet du malheur et de la souffrance, d’une injustice ou d’un affront subis, une violence éclate presque toujours en nous. »

« Une autre question se pose alors : que faire de notre misère mise à vif par le malheur, si on se refuse l’exutoire de la violence de représailles ? »

Les sujets abordés ne manquent pas d’intérêt :

« Y a-t-il une vie avant la mort ? » La question peut paraitre moins intéressante que la proposition inverse, plus commune. Mais elle n’est pas sans fondement, si l’on se réfère à des cas précis, un enfant mort-né, ou un adulte qui n’a jamais vécu, oppressé par le honte et une éducation trop fermée.

« Comment réprimer un désir de vengeance ? » La meilleure solution est celle de la sagesse : par un renoncement lucide et réfléchi, par la réflexion, la foi !

« La parole n’est-elle pas plus utile que le silence ? » Le silence, sous-entend l’auteur, c’est le dénominateur commun du recueillement, de tout acte de création, de toute forme de contemplation. Mais d’une certaine manière, défendre le silence, c’est aussi justifier l’absence apparente de Dieu !

« L’angoisse est-elle nuisible ? » Pas forcément, affirme l’auteur, elle est bénéfique, quand elle est assumée, regardée, qu’elle n’est pas une fuite. Dans la mesure où elle n’est pas un manque de confiance dans la spiritualité, une désertion de la foi. L’angoisse est salutaire quand elle n’est pas serrée autour d’un nœud de néant, tel que de grands philosophes l’ont l’auraient professé : Marx, Freud, Darwin, Nietzsche. Nous y voilà. La vieille lutte des libres-penseurs férus de certitudes et de faits scientifiques, versus la liberté spirituelle des croyants en un Dieu unique et créateur de toute chose. Le vieux débat remis à jour par Sylvie Germain !

Enfin, l’auteur s’interroge sur l’héritage du passé, sur la nécessité du souvenir. Ici aussi, intervient assez vite la notion de foi. Le souvenir, c’est la culture des textes sacrés, des évangiles. Mais c’est aussi un, et même plusieurs paradoxe. Se souvenir demande une certaine aptitude, que même des croyants n’ont pas toujours eue.

Pour conclure, ce recueil me semble plutôt réservé aux initiés. Il ne convaincra probablement guère les athées. La démonstration sous-entendue de l’utilité de la foi et de la bienveillance de Dieu n’est pas forcément éclatante, surtout pour un esprit rationnel. Mais la spiritualité peut-elle faire l’objet d’une quelconque démonstration? Les pratiquants du catholicisme voire du judaïsme seront ravis. La lecture permet de se rendre compte combien la frontière entre ces deux religions monothéistes en mince (et relève plus de divergences historiques que d’une véritable disparité de croyances). Cependant les idées eussent pu être dites de manière moins complexes. L’auteur sait se montrer doctorale, mais aussi un peu péremptoire.

Pour résumer à la manière Livrogne, je dirais que c’est un bon vin de messe, à consommer avec modération. A défaut de catégorie « vin de messe », je le verse dans « vin de table ».

Quatre actes de présence par Sylvie Germain. Éditions de Brouwer.

Date de parution : 27/01/2011   Isbn : 2220062325

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