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Le pluriel ne vaut rien à l’Homme.

Publié le 27 août 2011 par Legraoully @LeGraoullyOff
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Le pluriel ne vaut rien à l’Homme.

Ce serait faire preuve d’une coupable cécité que de considérer l’Homme comme un animal individualiste. Egoïste,veule, lâche, prêt à vendre père, mère, enfants, et la moitié de ses semblables pour quelques piécettes, en un mot vénal, mais certainement pas individualiste, au sens où l’entendaient Stirner ou Nietzsche. Et ne parlons même pas du sort réservé au matérialisme, (qui invitait initialement Dieu et ses copains à nous lâcher l’âme pour que l’on profite de l’ici-bas) et qui est devenu un appel à la schizophrénie prônant le détachement des biens matériels, comme les ordres bénédictins, en nous harcelant de publicité. Accessoirement, la hausse du chômage nous met à l’abri de telles tentations. Non, disais-je avant d’être interrompu par Dieu, la pub et le chômage, le seul bipède qui couvre sa nudité d’oripeaux clamant son désir d’appartenance à la caste socio-économique dominante n’est ni individualiste ni matérialiste.

L’Homme ne s’épanouit en effet qu’en groupe, et s’il aime à se faire remarquer en toutes circonstances, ce n’est que par un instinct atavique d’invite à la reproduction et dans le cadre étroit de sa communauté. En un mot comme en cent, il a besoin d’un berger, et oui le revoilà. Le pâtre cruel et abhorré déjà nommé se fâche t-il avec son homologue d’une autre tribu que l’instinct grégaire pousse la meute à faire la guerre. L’échantillon le plus athlétique du groupe remporte t-il un trophée, que les hominidés se regroupent par millions en pleine rue pour célébrer la victoire sur l’ennemi, alors qu’ils peinent à quitter leurs pénates pour défendre leurs droits sociaux taillés au motoculteur par le berger qui est fourbe et matois, et qui prépare la tonte en secret. Enferme t-on un autre échantillon à peine plus évolué que le sportif dans un appartement informe aux couleurs criardes et artificielles qu’on croirait issu de l’exposition de Daniel Buren au centre Pompidou-Metz, que le télespectateur moyen (dans toutes les acceptions du terme) désactive la moindre synapse de ce gros cerveau dont il tire un sentiment de prédominance sur le reste du règne animal, qui ne sait même pas conduire, les imbéciles.

D’aucuns pourraient opposer à cette diatribe légèrement misanthrope que l’humanité a fonctionné et a crû de la sorte de toute éternité, et que de quoi je me mêle. Donc je finirai de montrer mon amour pour mes congénères en parlant de la plus odieuse, de la plus vulgaire et de la plus avilissante des pratiques que mon presque frère humain a inventé: le flashmob. Ce soir, après le traditionnel feu d’artifice qui clôturera les fêtes de la Mirablle, et que j’espère au moins aussi étincelant que ceux que les heureux habitants de Tripoli ont coutume d’admirer tous les jours, se tiendra donc l’une des plus grossières manifestations du génie humain. Pour ceux qui l’ignorent, à l’origine du flashmob, il y a le happening, sympathique performance artistique à portée souvent politique, dont les premiers valeureux zélotes sont issus de l’activisme viennois. Par un processus propre au capitalisme qui récupère sa propre contestation et transforme tout ce qu’il touche en matière fécale (ce n’est pas une grossièreté gratuite: Freud disait déjà que symboliquement, l’argent c’est de la merde), le flashmob s’est vidé de tout contenu transgressif et contestataire pour devenir un évènement soigneusement organisé, ne laissant aucune place à l’improvisation, où un groupe de personnes dansent généralement sur les mêmes pas et sur une musique qui a déjà rapporté de l’argent, ( même remarque que dans la parenthèse précédente) dans un élan moutonnier qui n’est pas sans rappeler les glorieux flashmobs des années 30 en Allemagne.

Dans un prochain épisode, nous constaterons que l’intelligence, qui est inversement proportionnelle au nombre de personnes dans un groupe, se divise encore plus rapidement sous l’influence du lipdub, et nous réitererons notre demande d’abattage des bergers auprès de la ministre de l’Ecologie avant que les loups ne se mettent eux aussi à reprendre les Black Eyed Peas en se trémoussant.


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