Magazine

Le stéréotype touareg

Publié le 17 août 2011 par Yasida

caravane de sel

Toi, bradeur d'hommes bleus,

par la peste blême du tourisme,

tu as violé l'indépendance de notre figuier !

Hawad Le coude grimaçant de l'anarchie  extrait

Le regard déformant de l'extérieur

 

flotille 31f

vexillogie provençale

“ Oh ! Mes Touaregs ! Quel mystère vous conduit sous vos voiles étranges ? A l'image de votre âme, votre parler berbère est marqué de mots chrétiens, le nom latin immense de péché, celui gracieux des anges, et, à travers les règles musulmanes de votre art, vous faites triompher sur vos objets familiers la croix chrétienne ”

C.Kilian 1934

Ahaggar

Déserts : perspectives croisées

Paul  Pandollfi : Le stéréotype touareg

Conclusion de l'analyse

De nos jours, le stéréotype touareg est encore largement opérant. Qu'on se souvienne de quelle manière un véritable lobby des « amis de la cause touarègue » (cf. Casajus 1995) a soutenu sans aucune distance critique la rébellion touarègue au Mali et au Niger. En juin 1992, les murs de Paris furent ainsi recouverts d'une affiche où sur un visage d'homme voilé s'inscrivait cette interrogation pour le moins problématique « Touaregs. Un peuple doit-il disparaître pour exister ? » alors que, dans le même temps, sous le patronage de l'association France-Libertés se déroulait dans le hall du musée de l'Homme une exposition de photographies figeant les Touaregs dans cette représentation stéréotypée qui répond si bien aux désirs et aux intérêts des Occidentaux.

saline-closeup

Homme bleu - salines

Cette image est également répétée à satiété dans les récits de voyages, livres de photos et autres brochures touristiques. Parfaitement connue par la plupart des individus auxquels elle s'applique, elle est très souvent reprise et réutilisée par ces derniers dans le cadre de stratégies diverses. L'exemple touristique est ici le plus parlant : combien de Sahariens ne doivent-ils pas littéralement se déguiser et jouer au Touareg afin de correspondre au plus près à l'image que veulent retrouver les Occidentaux à la recherche des « hommes bleus ». Dans le contexte fortement inégal du tourisme Nord / Sud s'exprime une violence évidente : pour exister, l'Autre doit encore et toujours se conformer à l'image que nous avons construite de lui.

SEGUEDINE

Seguedine

Or, d'un point de vue historique, ce qui nous paraît central ici est bien la relation triangulaire précédemment évoquée : en aucun cas il n'y a appréhension de l’Autre touareg sans l’intervention de ce second autre représenté pour l’essentiel par les populations arabes d’Afrique du Nord. Le modèle ainsi établi voit deux groupes se distinguer, s’opposer voire se combattre au sein d’un même espace. Dans ce cadre, comme l'a justement relevé M. Kilani (1997), c'est une relation spectrale avec l'autre qui se met en place. Le processus qui amène l’Occidental soit à rapporter l’Autre touareg à lui-même soit, dans le même mouvement, à se projeter dans cet Autre, a pour conséquence principale de séparer cet Autre privilégié, cet Autre « semblable et proche », de l’Autre stigmatisé et rejeté.

Aussi, il paraît évident qu'une telle stratégie répond in fine, dans le contexte colonial à un objectif principal : diviser pour mieux régner. En ce sens, nul ne l'a mieux défini que Gallieni dans sa fameuse circulaire du 22-05-1898 :

« S'il y a des mœurs et des coutumes à respecter, il y a aussi des haines et des rivalités qu'il faut savoir démêler et utiliser à notre profit en les opposant les unes aux autres, en nous appuyant sur les unes pour mieux vaincre les autres ».

Paul  Pandollfi

source Le stéréotype touareg 

Bibliographie

img-5

Rhissa Rhossey

" De l’aliénation du colonisé, c’est-là le premier apport fondamental de Fanon : la colonisation ne pouvant fonctionner durablement que par l’intériorisation d’un complexe d’infériorité, d’un désespoir et d’un sentiment d’impuissance ".

Il est difficile de rester soi-même quand on sort de plus d'un siècle de captivité, d’abâtardissement, de négation de son soi authentique.

L'amajigh ou l'amazigh ou tamacheq est victime de ces époques dont parlent Fanon et Césaire,

avec cette intensité,

cette douleur,

ce cataclysme à nul autre pareil.

Les faux-semblants, les faux-fuyant, les mascarades, les dérobades, les esquives, les dribbles et les feintes sont belles et bien les stratégies du désespoir.

Rhissa Rhossey

Assam Midal

73291_1584109536048_1635047243_1363940_2113922_n

" Au plan culturel, les Touaregs appartiennent à la grande civilisation berbère qui peuple l’Afrique du Nord et le Sahara. Ils parlent le tamacheq et  ont une écriture propre : le Tifinagh.
LesTouaregs, à l’image d’autres peuples représentés ici, sont handicapés par ce morcellement qui fait que dans chacun des États, ils sont incontestablement minoritaires à tous égards. Cet état de fait est d’autant plus marqué que toute revendication à caractère identitaire est systématiquement assimilée à une subversion.
Les stéréotypes marquants qu’on leur prête sont ceux d’un peuple dominé, victime de catastrophes naturelles et incapable de s’assumer : exploité, dépendant économiquement et socialement étroitement lié à son environnement naturel dans la vie quotidienne, les coutumes, les croyances, ce peuple souffre de graves atteintes portées à son environnement par des intérêts extérieurs.
Nous servons de terrain d’élection au tourisme exotique et à la folklorisation - visite des cités et espaces sahariens, artisanat peu rémunérateur, troupes pseudo-culturelles, etc. Dans chacun de ces États notre langue et notre culture sont minimisées ou parfois combattues. Il n’y a guère de pouvoir culturel moderne : création d’écoles, activité théâtrale, littéraire reconnues.

n1635047243_154963_3764912

photo

Quant aux médias, ils font peu de place à la vie de notre peuple si ce n’est sous une forme exotique ou ethnographique.
Les clichés ci-dessus énumérés ne sont pas exhaustifs mais sont suffisamment consistants pour illustrer les difficultés que nous vivons. C’est pourquoi il y a une nécessite absolue de procéder a travers un centre culturel à la sauvegarde de la culture Twareg, cela permettra d’avoir une fenêtre ouverte de la culture touarègue sur le monde.

Le centre est un support qui aura pour mission principale d’échanger, former, informer, sensibiliser, vulgariser la culture, et surtout éduquer ces populations pour leur garantir un avenir acceptable ...

 Assam Midal

59434_147298011974140_100000818270717_208123_5549113_n

photo

Faris Amine

Oh Sahara

Montre-nous le jour de l'asphyxie

Dans lequel nous avons accepté

Cette humanité-larve

Nous avons accepté ses lois comme les nôtres

Nous avons laissé entrer les trafiquants d'illusions

Dans les profondeurs de nos esprits

Le libre commerce des destructeurs

Aux mille langues

Nous avons cru que ce mirage artificiel

urine de vache sucrée embouteillée

pouvait mieux faire grandir nos enfants

Pourquoi ?

Pourquoi cette acceptation totale ?

Nous avons vendu nos savoirs

Pour une poignée de riz

Et de sorgho pourri

Faris Amine  extrait

httpcitropersoboulot

 photo

Laisse-les, chauve-souris,

laisse-les bêler le Touareg mort-vivant

qu'ils ont empaillé avec des macaronis,

des francs et des versets du Coran,

épouvantail touareg

planté dans le désert pour baliser

la course de Renault et Peugeot.

Hawad Le coude grimaçant de l'anarchie extrait

Contreverses

tifinar_caracters_1

" Donnez-moi une cartouche
d'encre tifinar'
Je vous taillerai
d'autres lisières de routes
où pas même le rêve
ne s'est aventuré "

(...)

Hawad  Lisières des braises, 1995)


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Yasida 5129 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte