Anthologie permanente : Jean-Michel Reynard

le poème le plus simple / dit / tout / d’une extrémité à l’autre de la terre / d’une extrémité à l’autre de la vie / qui n’a pas de fin / le poème le plus vain / intellecte / qu’il ne sût vivre / dans le monde qui a osé / le langage / et l’art / pour ne pas voir / l’indifférence des espèces des gens / l’humanisme de la mer / que ceux qu’on appelle des mots / ne sont que des squames sur ton vélin / punaise !, / le poème le plus sain / se jette-t-il par la rambarde de /la fenêtre du dernier / étage / de l’humain / pour ressembler / un jour / au puceron, / et ne plus obstruer l’or de la mort ?  
 
victuaille / livre et sel / personne n’a écrit / pauvrement / un à une / nul ne mange / le mot manque / la pente descend de moi / hier / elle descendit du printemps / de soi / la pente / la langue provisoire / en réalité / du vent brisé / c’est le langage / inutile / de croire qu’on sale de mort / un livre qui prouve / l’inutilité de manger / procède du repas / de l’avion / je repars / dans le ventre / plus / grand / qui me quitte / sans / avoir désellé d’un mot 
 
j’écris parce que j’ai vu de l’autre côté des mot que il n’y avait rien / ni langue / ni gens / ni monde / j’écris d’après l’autre côté des mots / mais pas avec lui encore / c’est là cette raison d’écrire / agglomérer dans la section du langage où il n’y a jamais quelque chose comme moi / où rien de cela n’existe / comme / si rien / ni personne / n’eût existé jamais que cela / qui consiste en deçà de toute existence / guetter que finisse même cela / que j’appelle l’autre côté des mot 
 
Jean-Michel Reynard, sans sujet, Lignes, 2008, pp. 24 et 25 
 
 
ndlr : pour le mot « désellé » et le mot « mot » au singulier au dernier paragraphe, le livre a été suivi à la lettre, dans l’impossibilité de vérifier s’il s’agit bien de la graphie originale du poète ou d’une coquille.  
 
Jean-Michel Reynard dans Poezibao :  
bio-bibliographie, extrait 1, in notes sur la poésie