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Y a-t-il un (bon) pilote dans l'avion ?

Publié le 11 septembre 2010 par Philippe Laurent

 Y a-t-il un (bon) pilote dans l'avion ?

Depuis quelques semaines, vous être nombreux à venir faire un tour du côté de votre aéroclub voisin ou préféré, histoire de parler un peu avec un pilote privé: celui qui vous a fait faire votre premier vol, ou bien Monsieur X que vous connaissez bien et qui vole ici, ou bien le pilote qui accepterait de vous faire voler un peu aujourd'hui...  

En réalité, vous nous rendez cette visite parce que depuis les premières conclusions médiatisées du BEA sur l'accident du vol Air France 447 de Rio à Paris, vous êtres inquiets, et vous voudriez mieux comprendre. Je résume votre interrogation: "vous êtes entraînés aux décrochages, vos instructeurs vous en font faire non seulement sur simulateur, mais aussi et surtout sur vos petits avions: c'est spectaculaire, vu du sol on voit l'avion piquer brutalement; j'avais d'ailleurs demandé à mon pilote de m'en faire faire un, ça arrache les tripes, mais il n'y a pas de problème; et un tel entraînement semble vital pour la sécurité; Or, les pilotes d'Air France ne s'entraînent pas aux décrochages?"


   Prenons le problème à la base (tout ce qui va suivre concerne les avions "classiques", gros et petits; c'est à dire qui ont leurs ailes vers l'avant, et la "queue", plus exactement leur gouverne de profondeur, à l'arrière. Les Boeing que vous empruntez et les Airbus sont de ceux-là). A une certaine altitude, l'avion chargé tel qu'il l'est à cet instant, a besoin d'une vitesse minimum pour voler. En dessous de cette vitesse, il va tomber. Il peut le faire, soit en "décrochant", soit en "s'enfonçant"(note importante : s'il s' "enfonce", certains considèrent que c'est une forme particulière de décrochage")

  a/  S'il "décroche": l'avion bascule brutalement vers l'avant, piquant vers le sol. Le pilote qui ne suivrait pas avec attention sa vitesse, est prévenu quelque temps avant par :

   -des vibrations dans la "poignée de pilotage" (c'est la dénomination en bon français du "manche"), ou dans le "volant de pilotage": elles sont dues alors au comportement de l'air sur la gouverne de profondeur de l'avion, c'est là un phénomène aérodynamique "heureux"...pour le pilote (et ses passagers)

   - le déclenchement d'une puissante alarme sonore,...conçue pour cela et vérifiée avant chaque vol par le pilote.(Check-list "avant-décollage")

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   Un pilote qui reçoit l'une ou ces 2 "informations", ou les deux évidemment, va remettre de la puissance, et s'il n'est pas trop près du sol, mettre sa machine en léger piquet, pour reprendre immédiatement de la vitesse. S'il veut "décrocher", à titre d'exercice, il aura pris soin de monter à une altitude largement suffisante, aura vérifié que les ceintures de sécurité sont toutes serrées au maximum et qu'aucun objet ne risque de se déplacer dans la cabine, (car l'avion va subir des "g" négatifs puis sera bientôt en quasi-apesanteur, tout objet va "voler" dans la cabine, ...avant de retomber !), se sera mis bien face au vent, etc... (procédure à "réviser" impérativement" avec votre instructeur et votre avion préféré, avant de réduire ou d'annuler la puissance du ou des moteurs: quel type de décrochage allez-vous faire: en montée, en palier, en descente, avec ou sans volets sortis,...? préparation en conséquence de votre machine; risque de décrochage dissymétrique et action spécifique à envisager, vitesse à atteindre avant la reprise en extrême douceur et remise en palier de la machine, moment de remise de la puissance, etc,etc...)

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   b/ S'il s' "enfonce": mêmes avertissements du pilote, mais il ne se passera rien d'aussi spectaculaire par la suite, y compris si le pilote ne réagit qu'en tirant sur le "manche": pas de réaction violente de la machine, peu ou pas de ressenti particulier du pilote et des passagers, ...mais au tableau de bord, le "vario" indique une vitesse verticale négative, qui ira en croissant avant de se stabiliser. Le pilote aura à maintenir le manche "tiré", c'est à dire comme s'il voulait monter...alors que l'avion "parachutera". Si l'avion est haut/au sol, tout semblera tranquille et laisser beaucoup de temps...Attention: fausse impression de sécurité! mais alors, pourquoi certains avions se comportent sytématiquement ainsi...ou peuvent adopter ce comportement ?


  QUESTION: QUAND UN AVION "DECROCHE"-T-IL, et QUAND UN AVION "S'ENFONCE"-T-IL? 

   1/ encore quelques "préambules" :

  A/ un pilote qui n'a qu'un brevet de vol.ne peut piloter aucun appareil. En effet, il doit par ailleurs être qualifié pour tout appareil qu'il aura à piloter. La qualification comprend 2 types d'objectifs :

   - se familiariser avec l'ergonomie de la machine, et en connaître quelques particularités...il y en a toujours, et beaucoup !

   - connaître toutes les procédures usuelles et inhabituelles, nécessaires au pilotage de l'avion:elles sont nombreuses, comportant par exemple le calcul de la vitesse (par rapport à l'air, toujours), de décollage à une altitude donnée et pour un centrage donné et une masse totale de l'avion donnée; mais aussi de bien d'autres procédures amenant à connaître des vitesses à respecter impérativement: vitesse pour la sortie des volets, à l'atterrissage; vitesse pour la sortie du train d'atterrissage, vitesses approximative et calculée de décrochage ou d'enfoncement, (...sauf chez AIRBUS? voir ci-après), vitesse de planée maxi en cas de panne du ou des moteurs(pour aller le plus loin possible); vitesse de finesse maxi, (qui permet de rester le plus longtemps en l'air, sans moteur), etc, etc...

   B/ si l'expérience amène à modifier un avion, la décision peut être prise soit par le constructeur de l'avion, soit par l'organisme certificateur de celui-ci. Chaque jour, les services de maintenance, (aussi bien d'AIR FRANCE que d'un aéroclub), vont chercher, pour leurs types d'appareils, les modifications à faire; classées en 3 grandes familles :

   - à faire de suite (les appareils sont cloués au sol, en attendant)

   - à faire dans un délai donné (nombre d'heures de vol encore autorisées; ou bien avant telle date; etc...)

   - modification conseillée

   2/ A propos du rapport du BEA; ( le rapport du BEA, fait suite aux infos "apprises" des "boîtes noires", établit des faits: essentiellement que les pilotes ont diagnostiqué l' "enfoncement" par manque de vitesse très tardivement, et qu'ils n'ont pas su quoi faire. Mais certaines précisions faites "au passage" soulèvent questions)

   A / d'abord les faits, rapportés par le BEA :

 

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   1/ AIRBUS aurait déclaré que ses avions ne peuvent pas "décrocher": en cohérence avec cette affirmation, AIRBUS n'a donc pas édicté de procédure de décrochage.(rappel: un "avion qui ne décroche pas", c'est à dire "qui n'est pas centré-avant" pour basculer automatiquement vers l'avant, c'est à dire piquer et reprendre automatiquement de la vitesse, avant que son pilote n'ait plus qu'à le remettre en vol horizontal, existe depuis qu'un certain MIGNET ait inventé "avant-guerre", (celle de 39/45), l' "avion populaire", appelé "poux du ciel". Celui-ci avait été rapidement interdit, car...il tuait de très nombreux pilotes: parce qu'ils n'étaient pas formés, et que l'avion s'enfoncait "à plat", en accélération douce vers le bas, ce qui est en effet beaucoup moins désagréable qu'un "décrochage", extrêmement brutal, mais extrêmement trompeur, je dirais même sournois... bien que l' "enfoncement" soit toujours précédé d'intenses vibrations d'origine aérodynamiques dans le "manche de pilotage", au moins si les commandes de vol sont "directes"...ce qui n'est plus le cas, ni sur les chasseurs-bombardiers militaires, ni sur les actuels avions de ligne: à commandes électriques: moins lourdes, beaucoup plus facile à "installer" car sans liaisons mécaniques continues entre d'un côté les "manches" et "palonniers", et de l'autre chaque surface aérodynamique permettant de contrôler l'avion autour des 3 axes de l'espace perpendiculaires entre eux; le manche contrôle autour des 2 axes horizontaux de l'avion en palier, à savoir en roulis et en tangage; et les palonniers, (aux pieds), autour de l'axe alors vertical, à savoir en lacet)

   2/ AIRBUS savait que les "pitot" du fabricant français "THALES", (qui pouvaient être choisis par tout client d'un AIRBUS, parait-il? comme le client a le choix entre plusieurs marques de moteurs; tous choix homologués après essais en vol, bien-entendu), avaient déjà givrés; et qu'alors les pilotes sont privés d'une indication essentielle, vitale, la vitesse de l'avion par rapport à l'air (1), (celle qui doit absolument être au moins égalée, à une altitude donnée et pour une masse en vol donnée - qui varie à tout instant - car l'avion consomme son carburant, pour ne pas...disons "tomber", s'agissant d'AIRBUS... et pour ne pas "décrocher" ou s' "enfoncer" chez les autres constructeurs.)

   (1)si c'est la "prise dynamique" de tous les pitots qui se trouve obstruée par la glace, ce qui est toujours le cas lors d'un givrage des pitots, à ma connaissance: le pilote voit alors croître l'indication de sa vitesse...ce qui est très dangereux, car il va peut-être vouloir réduire celle-ci, ou les automatismes vont la réduire, ce qui va bientôt entraîner la chute de l'avion: par décrochage "classique" ou par "enfoncement". Mais si c'était la ou les "prises statiques" de tous les pitots qui se trouvaient aussi obstruées par la glace, (certes peu probable ?), en plus, le pilote n'aurait plus d'indications d'altitude; rien à ce sujet dans le rapport du BEA, dommage...???

  B/ Et les conclusions du BEA ?  

   L' "histoire", (ce rapport du BEA), pourrait (devrait ?) s'arrêter là, le luxe de détails dont on nous abreuve n'est-il que de l'enfumage ! Car les réactions des pilotes, comme le fait qu'AIR FRANCE ne les ait pas formés, seraient-ils de la totale responsabilité du constructeur AIRBUS, si ce constructeur déclare que ses avions ne peuvent pas décrocher ni s'enfoncer ? Et si, en conséquence, AIRBUS n' a pas fait de "procédure en cas de décrochage ou d'enfoncement"? (ce qui aurait, par ailleurs été accepté par l'organisme c

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ertificateur des avions ?  Mais comment le croire !). Un avion "décroche" (ou "s'enfonce"), obligatoirement, s'il vient à perdre trop de sa vitesse. Que des automatismes soient faits pour éviter cette perte de vitesse, oui ! Mais s'ils viennent à être soit mal employés, ou qu'ils tombent en panne ? Attendons le rapport "définitif" du BEA: il faut encore beaucoup de temps, car il faut arriver à "reproduire" exactement l'accident, par exemple en construisant des parties entières de l'avion que l'on peut suspecter de comportement très inhabituel, et alors pourquoi? 


  Personnellement, je n'aime pas les avions qui s' "enfoncent" plutôt qu'ils ne décrochent "classiquement", car ils donnent un faux semblant de sécurité. (sur la plupart de nos petits avions "centrés avant", il est absolument interdit de voler "centré milieu", et à forciori "centré arrière", par exemple avec un chargement excessif dans le coffre à bagages, derrière les passagers. Le pilote doit non seulement vérifier la masse maxi de son avion au décollage, mais aussi, et je dirais "surtout", "son" centrage. J'ai d'ailleurs volé, en essais, "centré arrière" sur un avion non conçu pour ce faire: avec retour immédiat sur la piste, et une bagarre très pénible de quelques minutes avec l'avion qui ne demandait qu'à "marsouiner"! ). MAIS VOILA, TOUT AVION AINSI CENTRE N'A PLUS BESOIN D'AVOIR SON PLAN HORIZONTAL ARRIERE, ou sa gouverne de profondeur,  TRES LEGEREMENT RELEVE(E)EN VOL EN PALIER RECTILIGNE: ON REDUIT AINSI LA TRAINEE DE L'AVION, CE QUI PERMET D'AUGMENTER UN PEU SA VITESSE ET DE MOINS CONSOMMER DE CARBURANT.

  (Remarque: personnellement, je n'aime pas non plus les avions dont le PA , le "pilote automatique", ne peut être éliminé pour reprise en main de l'avion qu'en allant manipuler un petit interrupteur situé sur le tableau de bord, ou au mieux sur le manche de pilotage. Autrefois, le pilote, par une action "forte" sur le manche, coupait automatiquement le PA, et pilotait alors immédiatement son avion: et c'était bien mieux!)

   Or, sur petits et gros avions, on en vient (ou revient), à la formule de l'avion "centré arrière".  Les automates de pilotage modernes s'en satisfont. Que les pilotes et leurs formateurs y prennent bien garde, ...et que les constructeurs continuent de croire qu'un pilote...doit toujours savoir et pouvoir instantanément "piloter" (en manuel!), son avion. Comme me le disait un ami, marin officier retraité de la marine nationale, "la perfection des technologies aéronautiques n'a-t-elle pas conforté notre présomption et endormi notre vigilance? Le "Titanic", (ce paquebot anglais à double coque), était incoulable et son commandant fonçait à 21 noeuds... DANS LA BRUME ! (pour battre le record de vitesse, dès la première traversée; collision avec un iceberg...et l'on connaît tous la suite...)  " . Le PDG de BOING, il y a quelques années, se plaisait à rappeler : "un accident est toujours le résultat d' un enchaînement de circonstances; mais il n'a qu'une seule cause, une seule!"

   /Philippe



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