Avec la démission surprise de Jürgen Stark, chef-économiste de la BCE, survenue hier, une étape supplémentaire a été franchie dans le délitement de l’Europe.
Par Aurélien Véron
Jürgen Stark, chef économiste démissionnaire de la Banque Centrale Européenne
Un nouvel élément est venu creuser un peu plus le fossé qui sépare le nord du sud de l’Europe. Avec la démission surprise du chef-économiste de la BCE, Jürgen Stark, la BCE ne compte plus qu’un Allemand à son conseil, le président de la Bundesbank, Dr Jens Weidmann. Lui non plus ne se retrouve pas dans la politique récente menée par la BCE de rachat des obligations de pays du sud (qui tendent à en profiter pour reculer les réformes douloureuses). Stark a du courage de démissionner, il assume ses divergences profondes avec Jean-Claude Trichet. En revanche, quitter le navire en plein milieu d’une tempête peut s’apparenter à de l’irresponsabilité. Or, ce choix n’est pas pris à la légère, c’est pourquoi il est loin d’être anodin. Pour moi, il s’agit d’un signal très fort. Une étape supplémentaire a été franchie dans le délitement de l’Europe. En France, on rigole entre le futur candidat socialiste et les bons mots des uns et des autres. Mais les marchés, eux, sont lucides et plongent. Il est probable que la Grèce soit lâchée dans les prochaines semaines, peut-être les prochains jours. Nous devons aussi prendre en compte le risque que la zone du nord se sépare du sud. Il n’est pas certain, heureusement, mais il s’accroît chaque jour un peu plus.
Malgré son énergie, Nicolas Sarkozy n’a aucune vision de l’économie, de l’Europe. Et ce n’est pas Pierre Lellouche qui va l’aider. Ni Harry Potter à Bercy. Si le scénario de la scission arrive, espérons que nous ne serons pas dans le lot du sud. C’est peut-être dans un tel bousier que nos gouvernants comprendraient la gravité de la situation. En tout cas, l’absence de stratégie pour nous extraire de cette ornière est plus inquiétante que la situation elle-même. Tout le monde est prêt à faire un effort et à s’adapter, à condition d’avoir une perspective favorable. Nous n’avons ni l’envie de bouger, ni d’horizon ouvert. La léthargie actuelle va coûter cher, très cher aux Français. Et nos gouvernants qui ne leur ont rien dit seront les vrais responsables. Responsables incapables de payer la facture qui devra être réglée par les Français eux-mêmes. La baisse des dépenses publiques s’imposera d’elle-même le jour venu, mais dans des proportions effrayantes, et sa mise en œuvre devra être si rapide qu’aucun plan ne pourra être soigneusement préparé : tout se fera à la tronçonneuse. Les réformes économiques dont nous aurons besoin seront d’autant plus radicales : explosion du seuil du SMIC, charges sociales et protection sociales sabrées, réglementations élaguées à la hache, diminution massive des effectifs de l’État dont les salaires seront aussi réduits, etc.
En attendant l’explosion de l’Europe pour affronter ces questions de modèle, nous ne pourrons plus compter sur les pays riches du nord pour nous épauler. Les pays du sud n’auront pas de compassion pour nous après ce que nous leur avons imposé. Bref, le mauvais élève de l’Europe que nous sommes devra payer d’un coup une facture qui ne cesse de s’allonger, mais que le sentiment d’être au-dessus de la crise nous a incité à éviter jusqu’ici. Les coupables, nous les connaissons : le PS, l’UMP et leurs associés.
—-
Sur le web