Six mois après, il ne se passe pas un jour sans que mes pensées s'envolent vers le nord-est du Japon. Six mois après, l'absurdité de la catastrophe me laisse toujours sonnée, toujours ce sentiment d'impuissance. Face au hoquet de la planète, notre technologie, nos connaissances sont balayés. Il reste la misère humaine, la tristesse de la perte.
Bien sûr, le Japon n'a pas le monopole du malheur. Il suffit de lire un peu les journaux.
Je ne sais pas vraiment pourquoi le sort du Japon m'émeut autant. Pourquoi avec ce pays, ce peuple, mon empathie s'hypertrophie jusqu'à étouffer les autres cris, les autres tristesses... Mais c'est ainsi, pour moi et pour certains autres de mes amis.
J'ai appris à l'accepter.
Ce qui ne change pas, c'est mon envie de retourner au Japon. Et comme je sais que ce besoin inquiète mes proches, surtout la moustache, j'ai décidé d'être prudente. Mon prochain voyage là-bas se fera probablement dans le sud. Parce que je veux visiter Shikoku.
Ce qui a changé, c'est que j'ai pris conscience que si les dégâts naturels sont imprévisibles et terribles, la conjonction entre ces catastrophes et les actions humaines, les constructions humaines, génèrent des conséquences proprement terrifiantes et largement plus dévastatrices. Il faudra des milliers d'années au sol de la région de Fukushima pour oublier les ravages... pour que la terre soit purifiée.
C'est un lieu commun, nous savons tous que l'homme est capable du pire comme du meilleur.
En situation de crise, l'homme peut faire preuve d'un égoïsme et d'une cruauté terrible mais aussi d'une abnégation, d'un courage et d'un altruisme émouvant. Je ne sais pas qui l'emporte dans ces élans d'énergie entre l'amour et l'indifférence voire l'individualisme haineux.
Je ne sais pas comme je réagirai dans si ma vie était en jeux...
Parce que cette douleur est toujours là et que je ne suis pas d'un naturel masochiste ni fataliste, j'ai décidé de la sortir, la coucher sur le papier.
Pendant plusieurs semaines, plusieurs mois, j'ai discuté avec des amies pour savoir quoi faire, comment agir. Au quotidien, nous essayons de limiter notre impact sur l'environnement. C'est peut-être une goutte d'eau dans l'océan, une démarche stérile ou ridicule, mais je l'assume. Et elle me permet de fonctionner.
Dessin de Virginie Blancher
Mais cela ne suffit pas.
Alors, avec mon amie Virginie, nous avons décidé qu'une catharsis s'imposait. J'ai choisi les mots. Virginie a choisi le dessin. Un projet commun germe avec notre amour du Japon comme terreau, nos pensées d'espoir comme engrais.
Je voudrais que nos larmes ne soient pas celle qui abreuvent cette petite graine. Je voudrais une pluie claire et pure pour que naisse une jolie histoire avec des jolis dessins. Un travail qui ait du sens mais aussi qui apporte sourire et légèreté. C'est mon vœux.
Dans quelques jours je posterai ici le début de notre histoire.
Et si nous arrivons à faire que ce projet soit professionnel, nous voulons que nos droits d'auteurs et tout les bénéfices soient reversés à des associations japonaises. Parce que je n'ai que mes mots et Virginie que ses traits et ses couleurs pour apporter de l'aide.
C'est notre vœux. Notre prière.
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