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Un misantrope bavard

Par Alain Bagnoud

Un misantrope bavard

Célimène.
Et ne faut-il pas bien que monsieur contredise ?
à la commune voix veut-on qu'il se réduise,
et qu'il ne fasse pas éclater en tous lieux
l' esprit contrariant qu'il a reçu des cieux ?
Le sentiment d' autrui n' est jamais pour lui plaire ;
il prend toujours en main l' opinion contraire,
et penseroit paroître un homme du commun,
si l' on voyoit qu'il fût de l' avis de quelqu'un.
L' honneur de contredire a pour lui tant de charmes,
qu' il prend contre lui-même assez souvent les armes ;
et ses vrais sentiments sont combattus par lui,
aussitôt qu'il les voit dans la bouche d' autrui.

 (ACTE II, SCENE IV)

Alceste a « l’honneur de contredire », dit Célimèe dans la scène des portraits.

Ce qui est intéressant, c'est qu'il dit, même contre. Selon l'expression d'Eric Eigenmann, qui enseigne la dramaturgie à l'université de Genève, c'est un misanthrope bavard.

Le problème de ce bavard dans la pièce, c'est qu’il n'arrive pas à parler.

Pas à Célimène, en tout cas. Il veut s'expliquer, et surtout qu'elle s'explique enfin. Mais sans cesse ils sont interrompus.

C’est cette impossibilité d’avoir une explication si importante qui provoque son exaspération sociale. Exaspération, frustration que, on l'a dit, Molière en jouant rendait comique- et qui sert de ressort à la pièce.


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