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La fabrique des sentiments

Par Rob Gordon
La fabrique des sentimentsMise en scène au cordeau, ton imperturbablement sérieux, le premier film de Jean-Marc Moutout avait quelque chose d'un peu rigoriste mais pouvait difficilement laisser indifférent. Violence des échanges en milieu tempéré disséquait les mécanismes du dégraissage d'entreprise à travers la destinée d'un jeune type chargé de choisir qui garder et qui licencier. La fabrique des sentiments part du même principe pour traiter du speed-dating et du marché de la séduction, suivant une jeune notaire qui peine à se caser et décidant un beau jour d'aller se vendre dans des soirées organisées. C'est à peu près le seul point commun qu'aient les deux films de Moutout, la qualité du second étant inversement proportionnelle à celle du premier, et ce malgré la prestation convaincante d'Elsa Zylberstein.
Le speed-dating, c'est ce système un peu risible (mais possiblement efficace) qui consiste à faire se rencontrer sept hommes, sept femmes, grâce à de petits face-à-face de sept minutes. Des micro rendez-vous d'où ne peut ressortir qu'une vague première impression, qui pourra éventuellement se concrétiser lors d'une rencontre prochaine. La fabrique des sentiments est un peu au cinéma ce que le speed-dating est à l'amour : un petit machin superficiel et prémâché, qui oublie le principal et ne ressemble ni de près ni de loin au grand modèle qu'il souhaite atteindre. Le propos est aussi trivial que la mise en scène : zooms appuyés pour nous mettre dans la peau du voyeur, enchaînement de speed-datings pour ne rater aucune case du panel (intéressant/inintéressant, surpréparé/improvisé, etc.)... Ni le plaisir ni la réflexion ne sont au rendez-vous. On a l'impression de feuilleter un numéro de Femme Actuelle, gobant bobine après bobine des litres d'idées reçues et se passages obligés.
Puis Moutout se détache progressivement de l'univers du speed-dating, effectuant un lent travelling arrière pour parler de l'amour dans son ensemble. Une ambition évidemment trop lourde pour le réalisateur, qui peinait déjà à décrire convenablement son sujet de départ. S'en suit une nouvelle série de scènes stéréotypées, jetées au hasard comme les morales amusantes mais complètement stupides que l'on peut trouver dans certaines friandises asiatiques. La fin est terriblement édifiante, s'enfermant dans un schématisme faussement pervers qui met en exergue le splendide loupé d'un film qui semble bizarrement plaire aux plus de 60 ans.
3/10

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