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[Critique] AU REVOIR (Bé Omid é Didar) de Mohammad Rasoulof
Publié le 12 septembre 2011 par Celine_dianeAvec Au Revoir, Mohammad Rasoulof se défend d’avoir réalisé une œuvre politique. Et pourtant. Dans son entièreté, le film se dresse en réponse aux conditions de vie en Iran, une accusation en images, et en silence, un cri pour la liberté. Filmé dans des circonstances difficiles (budget minuscule, réalisateur en liberté surveillée, acteurs bénévoles), son Au Revoir ne quitte pas des yeux une héroïne, Noura (Leyla Zareh), jeune avocate étouffée par le système, étrangère dans son propre pays, qui n’a plus comme espoir que la fuite. Quitter Téhéran pour une nécessaire bouffée d’air, une renaissance. Elle, coincée, dans un bocal, privée du droit d’exercer, traquée par les autorités (son mari est journaliste), prisonnière. A l’instar de sa tortue d’eau, à l’aquarium défaillant, elle est menacée à chaque minute de manquer d’oxygène. Dans cette perspective, le film de Mohammad Rasoulof est anxiogène au possible, et privilégie la lenteur pour souligner les difficultés rencontrées, au quotidien, si l’on veut s’extraire du cadre ; la ténacité dont il faut faire preuve, pour s’en sortir.
La forme épouse formidablement bien le fond (le Prix cannois de la mise en scène n'est pas volé!): Au Revoir ne respire pas, s’engouffre petit à petit dans une morosité et une âpreté implacables, ne laissant aucun rayon de soleil pénétrer et l’écran et le destin de cette femme, condamnée d’avance. Rasoulof signe une œuvre tirée au cordeau, pesante, menaçante, à l’intensité paradoxale, tant l’intériorisation des émotions (peur, malaise, colère, rébellion) est maximale. Autant Les Chats Persans de Bahman Ghobadi, autre film iranien réalisé dans la clandestinité, suintait la vie, autant cet Au Revoir-là s’engouffre dans les ténèbres, celles d’un régime autoritaire et opaque, tout puissant, qui bâillonne les voix, et encage les êtres. Mohammad Rasoulof, lui, ose une rébellion cinématographique admirable, et de qualité.