sans moyen de m’exprimer tous ces mots qu’hier
encore j’imprimais ne sont aujourd’hui que fumier
où rien ne pousse n’étaient mes angoisses et ma peur
ma tristesse à écrire écrire en sachant que je meurs
si parler n’est pas vain à n’en pas parler je vaincs
sans autre énigme que celle qu’écrit ma main
nulle autre fin n’est plausible pour qui veut être
vif et qui se sait mort ses os paraître
squelette dessiné et qu’on voit sur le front
de ceux pour qui l’espoir a le goût d’un affront
et qui ne croient en eux que parce qu’il faut y croire
hêtre pourpre aussi amarante
les veines à la jambe s’enlacent
les vrilles du lierre fortement contrasté
dans les verts soit soutenus
soit sans suite
hormis le dernier grain brindille ardoise
un sillon ailleurs creusé aveugle recueille
le chemin une trouée les feuilles dunes le
sang monte lèvres presque cela nul n’écrit
alcôve jardin
inondée de couleurs passées
doucement la dérive
comme une meule
Mathieu Bénézet, « album de 1974, III » in …Et nous n’appprîmes rien, 1962-1979, Flammarion, 2002, pp. 343 à 346
Mathieu Bénézet dans Poezibao :
Bio-bibliographie, extrait 1, extrait 2, Mais une galaxie, extrait 3, extrait 4, extrait 5, extrait 6, lecture du Lundi des Poètes, La tête couchée de Brancusi (parution), La Terrasse de Leopardi (parution), extrait 7, Ne te confie qu’à moi, extrait 8, extrait 9, extrait 10, extrait 11, ext. 12, ext. 13, ext 14