Chapitre 1

Elle regarde un peu par la fenêtre. D'ici elle voit les rizières qui bordent la route de leur ruban argenté. Au delà, les champs en pente douce des maraîchers descendent vers la mer. Ce soir, quand elle rentrera de l'école, elle fera un détour par le sanctuaire à flanc de colline. Il y a au moins trois cents marches pour arriver jusqu'en haut ! Saluer les statues de renards espiègles demande de la la motivation, et de la sueur.
En avril, elle rentrera au collège.
Et avril se devine déjà dans les bourgeons gorgés de sève du vieux cerisier dont les branches gracieuses tombent par dessus la palissade, dans la cour de récréation.
Le temps est venu de de retourner régulièrement faire son voeu. Toujours le même. Elle le fait aussi quand, dans le ciel, un avion dessine une belle ligne nuageuse immaculée. Bien sûr, Michiko voudrait être dans la même classe que sa meilleure amie... Mais surtout, surtout, il y a ce garçon qu'elle aime bien. Et cette année, elle espère vraiment qu'ils seront enfin ensemble... Au moins, elle pourrait le saluer tous les matins.
Le professeur fait crisser la craie au tableau. Michiko sort de sa rêverie.
Michiko se souvient bien d'avoir recopié avec un minimum d'attention la formule de math sur son cahier. Même quand les cours ne la passionnent pas, elle prend toujours ses notes avec sérieux. Ses résultats à l'école sont corrects, pas miraculeux, en général dans le groupe de tête. Elle a recopié la formule. Elle est est certaine. Elle se souvient aussi vaguement d'avoir porté à ses lèvres le capuchon de son stylo. Et puis plus rien.
Le monde devient un grand nuage.
Un grand coton, doux et un peu étouffant. Elle ne se rappelle ni s'être assoupie ni même une fatigue. Rien.
Un instant elle était en classe, et l'instant d'après elle flottait. Ou peut-être nageait-elle dans un grand rien... C'est seulement après qu'elle s'est endormie.
Dans tout ce vide, sans angoisse ni appréhension, elle s'est assoupie. Tranquille.
Comme si cet arrêt momentané de son univers, et peut-être même de sa vie, n'était pas important. Un état transitoire.
Juste un aléa. Un épiphénomène. Rien d'important.
Un bruit incongru.
Un raclement sourd qui s'amplifie puis s'arrête. Puis recommence. Comme une vague. Comme le vent. Un raclement de branche sur un mur ! Michiko se souvient du bruit. Comme chez papi. Elle tend l'oreille. Bientôt la musique des feuilles se mêle à un chant d'oiseau. Et puis il y a une odeur de terre humide, de champignon. La forêt. Comme chez papi. Rassurée, sous une couette moelleuse, Michiko se tourne sur son futon et se rendort. Elle n'a même pas entre-ouvert les paupières.
A suivre...
つずく。。。

