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Évoluer sans se perdre

Publié le 18 septembre 2011 par François Némo @ifbranding

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Quelle est la relation entre le décrochage des banques sur les marchés mondiaux et les tribus nomades du Grand Sud marocain. Aucune apparemment, et pourtant ! J’ai eu la chance de traverser une partie de cet immense territoire de l’anti-Atlas au Grand Sud en plein mois d’août et pendant la période du ramadan. J’ai eu la chance d’y croiser des femmes et des hommes passionnés par l’avenir de leur pays et qui m’ont permis d’entre apercevoir le potentiel d’un territoire qui, malgré (ou grâce à) un mode de vie millénaire, est plus que jamais au centre d’enjeux qui préfigurent le monde de demain.

Coincé entre sa façade atlantique, la Mauritanie, l’Algérie et le Maroc dont elle fait partie mais qui semble l’avoir oubliée, le Grand Sud marocain est une terre vierge qui reste comme suspendue. Imaginez des populations nomades qui vivent ici de leurs cultures et de l’élevage avec un revenu complémentaire de soixante-dix centimes d’euros par jour. Leurs principales valeurs sont l’eau, la nature et leurs troupeaux. Le temps pour eux, à l’image des paysages, n’a pas de limites et il revendiquent leur mode de vie sans obsession pour la ville ou pour le pouvoir tout en utilisant parfaitement les nouvelles technologies, le téléphone portable, l’énergie solaire, le GPS pour guider leurs troupeaux jusqu’aux points d’eau.

Imaginez ces palmeraies créées par les Almoravides il y a mille ans ! Leurs connaissances scientifiques de la gestion de l’eau, leurs techniques éco-sociales et mathématiques pour capter l’eau dans les massifs montagneux et alimenter les nappes phréatiques par des systèmes de canaux souterrains ; l’importation des palmiers-dattiers en provenance d’Arabie ; les systèmes de culture à trois niveaux ; les agadirs ou greniers communaux, précurseurs de nos banques ; une organisation politique et sociale centrée sur l’intérêt commun, le partage. Des systèmes millénaires et opérants qu’aucune technologie moderne n’a pu aujourd’hui encore concurrencer.

Des territoires arides et improbables qui sont essentiels à la connaissance de notre histoire puisqu’ils furent le berceau de la dynastie des Almoravides qui s’étendait jusqu’à Cordoue et qui sont aujourd’hui au centre d’enjeux internationaux avec un sous-sol riche en minerais tel que le phosphate, l’argent, le cuivre et cette façade sur la mer que convoitent tout autant l’Algérie pour évacuer son pétrole sur l’Atlantique que les promoteurs immobiliers pour y exploiter des kilomètres de côtes vierges et somptueuses.

Combien de temps ces territoires resteront-ils ainsi suspendus ? Combien de temps résisteront-ils au tourisme de masse, aux intérêts géopolitiques ? Les incertitudes restent nombreuses. Mais je ne doute pas que ces peuples qui vivent dans la dignité malgré les tensions et les convoitises sauront, comme ils l’ont toujours fait, trouver avec les acteurs de la région, des réponses équilibrées aux nécessaires mutations contemporaines. Des réponses durables ayant valeur d’exemple et qui seront, comme elles le sont déjà, portées par les jeunes et par les femmes. Je ne doute pas qu’ils sauront s’ouvrir sur le monde tout en conservant leurs modes de vie, ce respect de l’environnement, cette vision intelligente du temps et de l’espace dont ils se nourrissent.

Des kilomètres de pistes et de routes rectilignes écrasées par le soleil avec cette étrange sensation de rupture. Un voyage qui force à se poser des questions fondamentales. A s’interroger sur la durée, la différence. Qui sommes-nous, où allons nous, comment vivre ensemble, et qui rendent bien pâles sinon ridicules ce décrochage des banques occidentales en plein mois d’août. Un décrochage programmé depuis des années et dont la cause est tout simplement une perte de contact avec la réalité du monde. Pas de pessimisme, bien au contraire, mais la conviction en traversant ces régions tout aussi dures que vivantes qu’il existe de nouvelles modalités de croissance… S’ouvrir au monde qui change tout en restant fidèle à soi-même ! Se connecter à son environnement !

Si vous passez par Tata, n’hésitez pas à frapper à la porte de Dar Infiane. Son hôte, Patrick Simon, vous racontera la force et les enjeux de cette région.


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