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Après la fin du monde - première partie.

Par Bustos
Après la fin du monde - première partie.En me proposant de mettre en perspective et en liensces textes de la rentrée qui empruntent aux modes de l'anticipation,je me suis retrouvé non pas dans une impasse, mais avec un problèmede méthode. Comment procéder pour envisager ces romans sous le mêmeangle, sans toutefois m'imposer la tache ingrate et bien inutile quireviendrait à opérer une classification des livres au prisme d'uncertain nombre de critères fixés par avance ? Ce qui me pousserait précisément à faire ce queje ne veux pas. Parce que mon sentiment et le plaisir de lecturequ'ils m'ont procuré provient justement de la diversité et de lapluralité des mondes crées. L'occasion était trop belle de tomber sur lebrillant article de Hugo Pradelle dans la Quinzaine littéraire(n°1044) sur le roman de Xabi Molia Avant de disparaître(Seuil). Je profite donc de son analyse, et la reprend comme filconducteur de la mienne.En premier lieu, Pradelle s'interroge sur les« risques substantiels » qu'encourt l'auteur de romansd'anticipation, et avant tout le risque de la convenance, le truismede reporter le contemporain dans le futur (« le présent quipeine à s'exprimer »). Un autre risque est la trop grande sophisticationdes dispositifs fictionnels. Il faut pouvoir évaluer l'ampleur destransformations opérées afin de voir ce qui est advenul’archétype. Enfin, il faut pouvoir estimer en quoi le romanprésente un dépassement de l’archétype employé ; etcomment il s'intègre, s'il s'intègre, dans un cadre plus large,dans une perspective (qui n'est pas seulement la duplication ou lasimple projection du présent). L'univers fictionnel que met en place  Molia esteffectivement un travail de mise en scène d'un archétype classiqueau genre de l'anticipation. Le Paris qu'il nous montre estpartiellement déshumanisé, par une maladie qui frappe une certainepart de la population et qui les transforment en être bestiaux assoiffés de violence. La guerre civile gronde derrièreles murs de la ville où tous les codes sociaux ont changés, la démocratie n'existe plus. Cette déshumanisation induit un climat deville assiégée qui n'est pas sans rappeler le Paris occupé de laseconde guerre mondiale.Dans ce cadre là et plus largement, Molia opèredes glissement intéressants, nous montrant une civilisation qui a considérablement régressé, une ville pour des vies d'après la fin du monde. Antoine Kaplan, le héros de cette histoire est un médecin chargé par le gouvernement de détecter les malades. Le roman s'ouvre avec la disparition de sa femme, une dessinatrice de bande dessinée. Kaplan décide d'enquêter sur ce qui est probablement le suicide de celle qu'il aime, ce qui va le conduire vers les endroits les moins fréquentables de la ville. c'est l'occasion pour le lecteur de découvrir petit à petit l'ampleur de la malédiction et les conséquences désastreuses sur la société telle que nous la connaissons aujourd'hui. Une société de l'effondrement coincée entre perte des repères en tous genres, fin du sens politique et prophètes de l'apocalypse.L'analyse de Pradelle est brillante, elle s'impose,détaillant comment Molia dans son roman construit son jeu de miroir,où les « topos » du présent trouvent une nouvelleinterprétation, un nouveau signifiant dans ce  Paris du futur.Je retrouve dans l'analyse de Pradelletout ce que j'avais pressenti au moment de la lecture. Toutefois, ilme semble qu'il manque quelque chose; un élément que Pradelle ne prend pas encompte dans le regard qu'il porte sur le roman, ou plutôt, il y aquelque chose de plus qu'il n'a pas voulu voir. Je dirais quec'est l'émotion. Le roman n'est pas exempt de sentiments, bien aucontraire, je crois que si on considère le cadre narratif est unemachinerie les sentiments en constituent le carburant. Avant dedisparaître est un roman d'anticipation, mais c'est aussi et peutêtre surtout, un roman d'amour, celui perdu d'Antoine Kaplan. Lesentiment de la perte, celui de sa femme, mais aussi celui d'un mondehabitable est au cœur du roman. Parce que justement il n'est pasatteint par la maladie (alors qu'il le pourrait étant du même groupesanguin que tous les "infectés"), parce qu'il ne se sent pas à son aisedans ce nouveau monde où s'est délité l'ordre social, il estdevenu pure sensations, pure émotions, il éprouve au plus profondde lui le sentiment de la perte, ce qui lui donne une dimension héroïque. Ceci contribue à donner au roman unetonalité qui tranche avec le genre, qui l'émancipe et permet defait le dépassement des archétypes.Avant de disparaître est un livred'une grande subtilité en même temps qu'une plongée au plusprofond de ce qui constitue notre humanité et une réflexion sur seslimites.
Pour finir, je dirais que le roman de Xabi Molia est une belle réussite, un roman alliant une fine analyse de notre monde et de ses éventuelles perspectives, mais aussi un roman touchant, celui d'un homme et de ses idéaux, peut-être le dernier de son espèce.

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