Oh le film ! Soixante ans au compteur, une verve intacte. Imaginée d’après une nouvelle de Nicolas Vassiliévitch Gogol, l’histoire tient à la fois de Kafka et de Charlot, tant pour son contenu que pour la mise en scène novatrice de Lattuada.
Toujours sur le fil du mélodrame, elle nous présente Carmi un petit gratte-papier, souffre-douleur de ses collègues, et malmené par sa hiérarchie , égratignée elle-aussi comme il faut.
Un rien benêt, le bonhomme réussit néanmoins à surmonter tous les obstacles, et qu’importe la manière employée, Carmi va toujours de l’avant. Fustigeant au passage la paralysie bureaucrate, qui écrase les petites gens , il fait tout ce qu’il peut afin de leur rendre service, mais Carmi peu peu , et c’est encore ce qui le rend sympathique.
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J’ai évoqué Chaplin, et bien souvent j’ai pensé que ce film était muet, tant la prestation de Renato Rascel, est à la hauteur d’un pantomime, petit bal de marionnettes humaines, que le pauvre, orchestre bien malgré lui.
Sous l’œil goguenard de Lattuada, qui, distant de la nouvelle, donne au personnage du maire une toute autre consistance, caricature vivante du despote au prise avec sa démesure. Tout à fait dans la lignée du superbe Ettore Mattia, en secrétaire général adipeux et corrompu jusqu’aux oreilles, qui à force de cirer les pompes prendra quelques coups de pieds au cul, bien venus.
C’est bien la comédie du pouvoir que Alberto Lattuada nous joue dans un décor tout aussi surprenant, où la brume et les ombres se donnent rendez-vous pour le bal des fantômes, quand ce n’est pas celui de la mort. La scène du corbillard est un moment de bravoure, mais celle de la pluie est aussi un grand numéro de fantaisie burlesque dans laquelle Renato Rascel semble improviser au petit bonheur la chance.
Avec un minimum de dialogues, un exploit, l’homme étant alors connu pour son humour verbal. Personnellement j’en redemande encore et pour nos comiques d’aujourd’hui, un peu de graine demeure disponible.
LES BONUS
« Le manteau » au fil du temps (26 mn)
Paolo Mereghetti, critique de cinéma revient de façon très vivante sur l’adaptation de la nouvelle de Gogol (« plus étalée sur le plan sociologique ») et la vision à la fois réaliste et fantastique de Lattuada. Il parle également du choix de Pavie avec son pont si particulier que l’on voit à plusieurs reprises et qui devient à chaque fois un nouveau décor. Dans l’esprit d’une mise en scène inhabituelle pour l’époque, loin du néo-réalisme. « Des cadrages centrés, des contre-plongés,… »
Le cinéaste aura réussi à faire évoluer le comique de Rascel, (« un humour surtout verbal ») vers celui du souffre douleur, « ce qu’il n’était pas quand il se produisait sur scène « .
Scènes alternatives
Elles proviennent des rushes de tournage, non conservés dans le montage final. Elles ne sont pas sonorisées, et concernent beaucoup la réception chez le secrétaire général. J’avoue ne pas avoir trop vu la différence avec les scènes retenues