La salle la plus fascinante de l’exposition Munch au Centre Pompidou est la dernière, celle des autoportraits. Edvard Munch a peint de très nombreux autoportraits toute sa vie, et c’est au moment de l’exposition dédiée à ses autoportraits à Londres que j’ai vraiment commencé à l’apprécier. La commissaire de l’exposition de Londres écrit d’ailleurs le meilleur texte du catalogue de Pompidou, à mes yeux, car elle relie les toiles, la vie et la personnalité de Munch, ne se contentant pas d’un point de vue formel. En conformité avec le thème de la modernité, le plus ancien portrait montré ici date du séjour de Munch dans une clinique psychiatrique au Danemark en 1908 :
période clef de sa vie, moment où tant son mode de vie que son travail changent radicalement, époque aussi où il est enfin reconnu en Norvège [je trouve d’ailleurs révélateur que des critiques, par ailleurs très élogieux sur l’exposition, quand ils racontent la vie de Munch, consacrent 80% de leur texte au XIXème siècle, mais expédient le XXème, et surtout la période après 1908, en six lignes]. Ce tableau traduit bien ces incertitudes, ces doutes, cette évolution. Son Autoportrait à Bergen (1916; à gauche sur la photo ci-dessous) marque cette nouvelle période, solitude et concentration. L’autoportrait avec la grippe espagnole (1919; à droite sur la photo ci-dessous) est le premier des autoportraits de vieillesse, de maladie : poignant, ‘avec une odeur de putréfaction’ dit-il à Sternersen, il anticipe les portraits de ses dernières années.



À côté, une salle ovale présente ses travaux à l’époque (1930) où la rétine de son oeil droit fut atteinte (un ophtalmologue l’explique fort bien dans le catalogue) et où il craint de perdre la vue (son œil gauche ayant déjà été abîmé dans une rixe au Danemark en 1904). Se cachant de tous, il décide alors de faire, scientifiquement, systématiquement, l’expérimentation de ce qu’il voit vraiment, avec cette tache ronde dans son champ de

Une hypothèse est que, pendant cette période de demi-cécité, incapable de trouver ses marques et se repérer, il ne peut plus faire de photographies comme avant et se met donc à tenir l’appareil à bout de bras, tourné vers lui et à se prendre en photo : ce geste si commun aujourd’hui, il est apparemment le premier à le faire dans l’histoire de la photographie. L’exposition met en avant ses photographies (et un petit film de 5 minutes, dont un extrait est l’amorce emblématique de l’exposition) sans qu’on sache toujours ce
![1908-selvportrett-strand-med-rosa-meissner[1] Edvard Munch en artiste du XXème siècle (2)](http://media.paperblog.fr/i/487/4877726/edvard-munch-artiste-xxeme-siecle-2-L-9lx1lB.jpeg)
Certaines des photos plus anciennes montrent des apparitions spectrales, mais là encore est-ce un manque de technique ou une volonté délibérée ? Il est certain que la photographie, son cadrage, son contraste, son figeage influencent Munch, de même que le
![edvard-munch-self-portrait-in-hell[1] Edvard Munch en artiste du XXème siècle (2)](http://media.paperblog.fr/i/487/4877726/edvard-munch-artiste-xxeme-siecle-2-L-XxHt_1.jpeg)
Des tableaux et estampes provenant du Musée de Bergen seront exposés au Musée des Beaux-arts de Caen à partir du 5 novembre. Des photos de l'expo à Pompidou ici. Edvard Munch étant représenté par l'ADAGP, les reproductions seront ôtées du blog à la fin de l'exposition londonienne, le 14 octobre 2012. Photos 3 & 5 de l'auteur; photos 4 & 6 courtoisie du Centre Pompidou.
