Magazine Cinéma

Le Songe d'une nuit d'été

Par Gjouin @GilbertJouin
Le Songe d'une nuit d'été
Théâtre de la Porte Saint-Martin
18, boulevard Saint-Martin
75010 Paris
Tel : 01 42 08 00 32
Métro : Strasbourg Saint-Denis
Une pièce de William Shakespeare
Mise en scène par Nicolas Briançon
Décors de Bernard Fau
Costumes de Michel Dussarat
Avec Lorànt Deutsch (Puck), Mélanie Doutey (Titania), Yves Pignot (Bottom), Marie-Julie Baup (Héléna), Davy Sardou (Démétrius), Nicolas Briançon (Obéron), Laurent Benoit, Ofélie Crispin, Dominique Daguier, Thibault Lacour, Léon Lesacq, Maxime Lombard, Thierry Lopez, Jacques Marchand, Elsa Mollien, Carole Mongin, Maurine Nicot, Jessy Ugolin, Anouk Viale, Floriane Vincent.
L’histoire : Lysandre veut épouser Hermia ; Hermia veut épouser Lysandre… Donc tout va bien. Et bien non… car Egée, le père d’Hermia, la destine à Démétrius, dont Héléna est amoureuse.
Pour échapper à Egée, Lysandre et Hermia s’enfuient dans la forêt, poursuivis par Démétrius, lui-même poursuivi par Héléna. Pendant ce temps, dans la forêt, Oberon, roi des Elfes, a ordonné à son fidèle Puck de verser une potion magique sur les paupières de sa maîtresse Titania pour la punir de sa désobéissance. Mais Puck se trompe et verse cette potion sur les paupières des jeunes amants… Ceux qui s’aimaient se détestent… Et vice-versa… Ajoutons à cela une bande de comédiens amateurs venus répéter leur pièce dans la forêt. S’en suit la confusion la plus totale. Puck va tout faire pour réparer son erreur et pour que tout rentre dans l’ordre.
Mon avis : Et bien, mon sentiment est partagé.
J’ai eu un petit problème. Autant mes yeux furent enchantés, autant mes oreilles ne le furent point… Je m’explique.
On va donc préalablement aborder ce souci et ensuite on ne parlera que de ce qui est franchement positif et emballant dans cette pièce… Paradoxalement, j’ai souffert avec le texte de Sir William. Trop riche, trop dense, trop foisonnant, trop allégorique, trop métaphorique. Les éléments, la faune, la flore, tout y est trop abondamment traité. Au détriment, bien sûr de l’action. Il y a quelques monologues – bien sûr superbement écrits et remarquablement dits – qui cassent le rythme. Niveau analyse de texte, c’est super, mais à cette époque où la zapette est reine, on aime bien aller à l’essentiel. Face à cette logorrhée, on a tendance à décrocher pour n’en retenir que la mélodie sans trop écouter les paroles. Mais, rassurez-vous, cela ne nuit aucunement à la compréhension. Même si l’histoire, faisant la part belle à la magie et au surnaturel, est quelque peu abracadabrantesque, on la suit sans effort et avec un certain amusement… Un critique pisse-froid reprochait à Mozart d’utiliser trop de notes, ici on peut faire grief à Shakespeare d’utiliser trop de mots…
Ce sera là ma seule critique négative à l’encontre de ce spectacle qui, sur le plan justement purement spectaculaire, m’a emmené au ciel.
Nicolas Briançon nous offre un formidable « wood movie ».
Dans une forêt joliment stylisée vont s’ébattre pour notre plus grand plaisir une vingtaine de personnages. L’action se passe à une époque franchement connotée : les années 70. Et là, il faut saluer bien bas l’esthétique des costumes recréés par Môssieu Michel Dussarat. C’est Courrèges qui a rencontré le Grand Magic Circus. D’ailleurs la mise en scène si follement créatrice et imaginative de Nicolas Briançon, Jérôme Savary ne l’eût point désavouée. Comme je l’ai signalé en préambule, on en prend plein les mirettes. Elle était vraiment superbe cette mode des Seventies. Surtout pour les femmes. Il y a également un clin d’œil assumé (l’affiche l’annonce) du côté de Chapeau melon et bottes de cuir. Quant à Obéron, que joue Nicolas Briançon lui-même, il a un petit côté Orange Mécanique qui donne le frisson… Sincèrement, les costumes sont très, très beaux.
Le premier tableau, dans une homogénéité de noir et blanc est aussi superbe qu’inattendu. On comprend plus tard qu’on a affaire à des fées.
L’histoire, que l’auteur a voulue confuse, se complète de façon gigogne par une pièce dans la pièce avec la présence d’une troupe de comédiens (très) amateurs. Leur première apparition, rideau baissé, est un grand moment de drôlerie car ces cinq gaillards sont particulièrement hauts en couleurs. Yves Pignot, dans le rôle de Bottom est à lui seul un spectacle. Quel prodigieux cabot ! Quelle présence et quelle autodérision. Du grand art.
Il y a une autre comédienne qui, à mon goût, tire magnifiquement son épingle du jeu. C’est Marie-Julie Baup, dans le rôle d’Héléna. Chacune de ses apparitions est un enchantement. Elle apporte un petit plus indéniable. Son naturel est confondant, son jeu très moderne.
Mais tous les protagonistes de ce Songe sont en tous points excellents.
Lorànt Deutsch, lutin bondissant et facétieux, est un Puck parfait. Mélanie Doutey est belle, fraîche et mutine à souhait. J’ai beaucoup apprécié le jeu très convaincant des acteurs qui incarnent Lysandre, Hermia et Démétrius (Davy Sardou). Nicolas Briançon, le prince noir de la Nuit, est aussi énigmatique que majestueux.
Le Songe d’une nuit d’été est un spectacle total, un judicieux mélange des genres. Le texte un peu vieillot est littéralement boosté par le rythme et la musique. Ça nous aide à le digérer. On passe du disco de Barry White à une délectable berceuse (Lulluby) interprétée en live, et on assiste même à un ballet digne de la grande époque des Folies Bergère. Les comédiens s’en donnent à cœur joie. C’est un maelström de trouvailles, un foisonnement d’idées. Un très grand et très beau show qui se termine en une énorme face jubilatoire.

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