Le poète coréen Ki Hyoung-do, né en 1960, est mort brutalement en 1989.
Le recueil de ses poèmes, dont il n’avait pas eu le temps d’achever la préparation, fut publié par le critique Kim Hyon sous le titre Une feuille noire dans la bouche. Ainsi son seul livre fut-il posthume.
Dans une note de 1988, Ki Hyung-do (qui avait fait des études de politique et de diplomatie à l’université Yonsei de Séoul et qui travaillait dans le journal Chung-ang Ilbo) évoque sa difficulté à composer des poèmes : « Il y eut un temps où j’étais incapable d’écrire durablement. Il faisait mauvais temps sur cette terre, et je ne pouvais le supporter. » Ces poèmes, dès leur publication, trouvèrent un vaste écho, chez les jeunes en particulier, et ils continuent d’être fort présents pour les poètes coréens d’aujourd’hui.
A nous, lecteurs lointains, cette poésie dit quelque chose de la Corée des années 80 et du « mauvais temps » qui y régnait alors, mais aussi, plus largement, de tout le vingtième siècle, si violent, en Corée.
Cependant, tendue et âpre – jusqu’à ce « réalisme grotesque » dont parle Kim Hyon – , la voix de Ki Hyung-do peut se révéler, soudain, pleine d’une douceur inattendue : elle est alors, simplement, bouleversante.
[Claude Mouchard]