
Gide et son aréopage auraient eu certes des motifs ces dernières années de s'étonner de certaines libertés prises avec l'héritage par leurs successeurs. Mais les choses avaient changé, dame. Et les lecteurs aussi. Les temps sont difficiles, chantait le poète. La Nouvelle Revue Française ne pouvait survivre sans qu'il en soit tenu compte. C'est son dernier administrateur, l'estimé journaliste Michel Braudeau, qui lui fit franchir un pas décisif en en bouleversant la périodicité à partir de 2000 : de mensuelle, elle devenait trimestrielle. Sans délaisser la littérature française, elle s'ouvrait du même coup au vaste monde, privilégiant dans le même temps des approfondissements que permettait désormais l'espace plus ample qu'elle gagnait à un changement qui, hélas, n'aura pas suffi. Car il faut bien parler de sortie, même si l'acronyme demeure : NRF. Avec les deux dernières livraisons, présentées chacune comme des " numéros hors-série " : Le roman du XXème (sous la direction de Jean Rouaud) et Un tour de France (sous la direction de Stéphane Audeguy), la rupture avec l'esprit des fondateurs semble en effet consommée. Celui-ci, on le sait, mettait en avant un soucis de diversité, qu'il s'agisse des genres littéraires (nouvelles, bonnes feuilles de romans à paraître, poèmes...) ou des rubriques (critique littéraire, revue des revues, parleries parisiennes...). La nouvelle formule implique au contraire le traitement d'un seul et même thème. Beaucoup, il est vrai, avaient déjà cru morte La Nouvelle Revue Française avec la disparition, en 1992, d'un de ses derniers grands directeurs, l'écrivain et éditeur Georges Lambrichs. On se demande aujourd'hui si l'on n'assiste pas en définitive à de tardives obsèques.
