Magazine Culture
Attenberg, soit une petite (r)évolution grecque jouissive et réjouissante, libre et libérée. Cette oeuvre expérimentale, pince-sans-rire, suit l’étrange Marina, la vingtaine, exclue du monde moderne. Une héroïne grecque pour une (fausse) tragédie à la misanthropie conceptuelle, sans cesse dépassée par une rébellion tendre et une envie furieuse de cinéma. Elle- a 23 ans, chante du François Hardy, découvre sa sexualité, entre lesbianisme d’apprentissage et complexe oedipien mal réglé. Elle écoute les chansons de Suicide, cherche les arcanes de l’existence dans des docus animaliers et s’apprête à enterrer son père, entre adieu à l’enfance et perte de l’innocence (sexuelle notamment). Le résultat est formidable, complexe et sans complexe, étonnement drôle parce que bousculant les tabous. Son ennemi ? Toute forme de prosaïsme.
Dans Attenberg, pas de règles. On est hors du monde, dans une bulle qui externalise les angoisses par le corps. Les deux filles (excellentes Ariane Labed et Evangelia Randou) crachent, hurlent, miment des postures animales, chorégraphient leurs atypismes et leur peur de l’autre. Ce n’est pas un hasard si l’une multiplie les partenaires pour se sentir vivante, et si l’autre prône une asexualité de défense. Toutes deux expriment, physiquement, leurs souffrances indicibles, d’ex-petites filles devenues femmes. Il y a tout dans le film d'Athina Rachel Tsangari : la difficulté de grandir, la nostalgie d'une époque jugée plus belle (et dans le propos et dans la forme ultra référencée), la crainte du monde extérieur. C’est un film de fin d’adolescence, triste et endeuillé, joyeusement fou et singulier- qui cache, dans ses non-dits, extériorisés charnellement, tout autant de douleurs que d’espoirs.