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Maupassant et l'amour

Publié le 25 septembre 2011 par Dubruel

Maupassant aimait soit-disant tant les femmes que, oui vraiment, Baltha mérite le prix Femina !

PAR UN SOIR DE PRINTEMPS (d'après Maupassant)

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Cette année-là,

Jeanne allait épouser

Son cousin Maxence.

Ils se connaissaient

Depuis l’enfance.

Entre eux, l’amour ne prenait pas

Les formes pudibondes

Qu’il garde dans le monde.

La jeune fille faisait bien à Maxence

Quelques agaceries mais en toute innocence.

Elle le trouvait bon garçon

Et l’embrassait sans ce frisson

Qui fait plisser la peau

Des pieds jusqu’en haut du dos.

Lui, pensait tout simplement :

Elle est mignonne.

Il songeait à elle avec l’attendrissement

Qu’on éprouve pour une jolie personne.

Puis voilà qu’un jour, Jeanne

Entendit sa mère dire à sa tante Anne

(L’autre tante, Camille,

Était restée vieille fille.) :

-Ces enfants s’aimeront tout de suite.

Ça se voit

Comme quatre et quatre font huit.

Quant à moi,

Maxence est le gendre que je voudrais.

Aussitôt Jeanne s’était mise à adorer

Le jeune homme. Elle rougissait

Quand elle l’embrassait.

Sa main tremblait

Lorsqu’elle prenait

Celle de son cousin.

Ses yeux se baissaient

Quand elle croisait

Son regard mutin.

Maxence comprenait

Ce qui se passait.

Alors, dans un élan sans pareil,

Il lui souffla à l’oreille :

-Je t’aime, je t’aime !

À partir de cet instant même,

Ce ne fut que roucoulements,

Galanteries, déploiements

De toutes les amoureuses façons.

Même au salon,

Maxence osait embrasser Jeanne

Devant les trois sœurs Anne,

Camille et sa mère.

Il se promenait avec sa cousine

Le long de la rivière,

Dans les bois et les prairies voisines.

Ils attendaient le jour de leur hymen

Sans paraître impatients.

Les vieilles regardaient cet amour naissant

Avec un attendrissement souriant, amène.

À les voir, Camille était remplie d’émotion.

Souffrant d’une légère claudication,

C’était une femme effacée

Qui marchait à petits pas pressés,

Une humble vieille, bien proprette,

Petite, douce, fluette,

Elle ne parlait presque pas,

N’apparaissait qu’aux heures des repas,

Remontait ensuite dans sa chambre.

Du 1er janvier au 31 décembre,

Elle y restait enfermée sans cesse.

Aujourd’hui veuves, Anne

Et la mère de Jeanne

Etaient devenues comtesses

Grâce à leurs nobles mariages.

Elles considéraient Camille un peu

Comme un être insignifiant et bas-bleu.

Elles ne montaient jamais à l’étage

La voir en son ermitage.

Elles ne parlaient jamais d’elle,

Ne songeaient pas à elle.

Un soir, après diner, les deux cousins

Restèrent deux heures

Dans le grand jardin,

Le cœur dans le cœur,

Les yeux dans les yeux

Avec cette mélancolie propre aux amoureux.

Les comtesses se couchaient de bonne heure.

Ce soir, elles montaient à dix heures

Et demandaient à Camille

D’une voix tranquille :

-Tu peux les attendre ?

La vieille fille leva

Ses yeux tendres,

Et contempla,

Éclairés par la lune, les jeunes amants

Qui se promenaient lentement.

Tout à coup, Jeanne vit la vieille fille :

-Tiens ! Elle nous regarde, Tante Camille !

Lorsque le couple pénétra dans le salon,

Maxence s’aperçut que les bottillons

De sa fiancée

Etaient couverts de rosée :

-Chérie, n’as-tu pas froid à tes petits pieds ?

À ces mots, il remarqua

Que les yeux de la tante s’embuaient

Et que soudain elle tremblait.

Jeanne lui tendit les bras :

-Qu’as-tu tante Camille ?

Balbutiant, la vieille fille

Dit : -C’est…quand il te demanda

« Chérie, n’as-tu pas froid…à…

Tes petits pieds ? » On ne m’a jamais…

Dit ça à moi…Jamais !

Les amoureux rêvent. Les époux sont réveillés.

A. Pope


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