Revue d’art et de littérature de création, indissolublement, Passage d’encres affirme sa présence depuis plus de dix ans, parallèlement à une activité éditoriale – quatre collections : Trace(s), Trait court 1, 2 (en coédition avec la revue OX, dirigée par Philippe Clerc) et 3 (en ligne). Rencontre avec une revue originale et pas forcément élitiste.
(Cet entretien, précédemment paru dans Ecrire & Editer n° 36, a été réactualisé par Christiane Tricoit.)
Jean-Jacques Nuel : Quel était le projet de création de Passage d’encres, et pourquoi ce titre ?
Christiane Tricoit : Le projet était, au départ, de s’inscrire dans une tradition de travail étroit entre écrivains et artistes (édition de textes ou d’œuvres pour la plupart inédits), avec une optique résolument contemporaine et cela sans esprit de chapelle. Ce projet a pris corps en 1996.
Le titre Passage d’encres, au sens propre, est emprunté au vocabulaire des arts graphiques : s’agissant de couleurs (noir compris), on parle de « passages », et le logo original – passage d’encres – reflétait d’ailleurs cette dynamique du rouleau encreur. Mais ce titre renvoie surtout à une notion plus large, celle de go-between, de passeur ou de relais.
Pour chaque numéro, le thème est communiqué à un artiste invité (parfois plus) qui réalise une estampe ou une œuvre originale selon la technique de son choix ; celle-ci est encartée dans le tirage de tête Collector, vendu par abonnement (à un prix abordable). Sabine Jahn (sérigraphie) et Michael Würzberger (linogravure) ont ainsi collaboré au n° 27, « Archipel des possibles – Berlin » (février 2007).
Chaque livraison donne lieu à un événement pluridisciplinaire : exposition, concert, lecture (France ou étranger).
La revue Passage d’encres est éditée par une association loi 1901 éponyme qui accueille des écrivains, des artistes ou d’autres éditeurs pour des rencontres dans ses locaux, une grange réhabilitée de Romainville (Seine-Saint-Denis).
JJN : Le sous-titre est " art / littérature ". Comment s’organise la revue autour de ces deux pôles ?
ChT : Ces deux pôles sont à égalité. Il s’agit de les mettre en correspondance, en dialogue plutôt qu’en illustration, de manière que la revue soit un lieu de création où l’alchimie puisse se faire.
JJN : Quelles qualités recherchez-vous dans un texte ? Doit-il se raccrocher à un thème et acceptez-vous des textes théoriques ?
ChT : Le traitement de texte, par sa facilité, suscite les vocations littéraires... Il n’est que de voir le nombre de textes qui arrivent par la poste ou par courriel. Dans les Salons, on repère l’auteur potentiel à plusieurs mètres – lire, à ce sujet, Lettre d’un éditeur de poésie à un poète en quête d’éditeur (Ginkgo éd., 2006)... Certains ne s’intéressent même pas aux revues dans lesquelles ils veulent être publiés.
Et, là comme ailleurs, il existe des plagiaires, des faiseurs. Nous recherchons une écriture, une voix originale, qui se tienne. Le thème, traité librement, est un fil rouge (double) qui permet de garder une cohérence au numéro, même si les variations sont multiples, comme en musique, avec ses temps de respiration (blancs).
Passage d’encres publie aussi des critiques ou des essais. Le dernier en date, « Du sein de la fiction », de Pierre Drogi (n° 27), a même inauguré le feuilleton littéraire dans la revue.
JJN : Comment diffusez-vous la revue ?
ChT : La revue est diffusée par CDE/Sodis et par les Editions La Dispute.
Les sites Internet – www.passagedencres.org et www.elvir.org (université de Poitiers) ou www.arsc.be (Association des revues scientifiques et culturelles) sont précieux pour des structures comme la nôtre.
JJN : Pourquoi ne publiez-vous pas de chroniques sur les livres et les revues ?
ChT : Il existe déjà beaucoup de chroniques... avec, parfois, des renvois d’ascenseur quand ce n’est pas du copinage : Je parle de ton livre, tu parles du mien, etc. Le milieu littéraire, comme d’autres, fonctionne généralement en bandes. Par ailleurs, il est évident que certains chroniqueurs ne lisent pas toutes les revues qu'ils citent. Je tiens un journal (pas un blog) en ligne, King-Gong/Infos, régulièrement réactualisé.
La publication en ligne est plus souple et moins coûteuse. Depuis un an, les numéros sont doubles (papier/virtuel) avec des contenus différents. Enfin, Passage d’encres, comme c’est souvent le cas, fonctionne avec une équipe de bénévoles qui disposent de peu de temps.
JJN : Le coût de réalisation d’une revue luxueuse et originale doit être élevé. Parvenez-vous à l’équilibre financier ? L’aide des organismes publics vous paraît-elle suffisante ?
ChT : Passage d’encres n’est pas une revue luxueuse (pas de papier glacé, peu de quadri, sauf exception). Même si elle coûte toujours cher à fabriquer , elle reste dans la moyenne. Disons qu’une personne, relayée par quelques collaborateurs et amis fidèles (le noyau dur) – cumule plusieurs fonctions (au moins cinq).
Faire une revue sans grands moyens et sans être adossé à un éditeur requiert pas mal d’énergie. Jusqu’à ces dernières années, les revues et éditeurs en région étaient bien mieux lotis, financièrement parlant, que leurs confrères d’Ile-de-France, même si la subvention du CNL, quand elle est octroyée, est précieuse. Les pouvoirs publics sont conscients de la nécessité d’une véritable diversité culturelle, et particulièrement du rôle de l’édition et la librairie indépendantes, dont le travail de défrichage (œuvres ou lecteurs) est primordial. Ainsi, la région Ile-de-France a-t-elle annoncé des aides pour ce secteur et œuvre-t-elle en ce sens en regroupant plus d’une centaine d’éditeurs sur son stand au Salon du livre, avec un catalogue commun, et en créant, entre autres, un centre de ressources.
JJN : Répondez-vous aux envois de textes ? Quels conseils donneriez-vous aux jeunes auteurs désireux de publier ?
ChT : 1. Autant que faire se peut. 2. Lire et encore lire ; envoyer un manuscrit sans fautes de français.
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Fiche signalétiqueRevue : Passage d’encres
Adresse : 16, rue de Paris, F-93230 Romainville
Tél. : (33-1) 48 43 22 23
Fax : (33-1) 48 43 22 23
Courriel : [email protected]
Directrice de publication et directrice artistique : Christiane Tricoit
Rédactrice en chef : Christiane Tricoit*
*Ponctuellement, carte blanche à un membre du comité de rédaction autre que Ch. T.
Membres du comité de rédaction : Yves Boudier, Jean-Claude Montel, Frater Rodriguez, Christiane Tricoit
Année de création : 1996
Périodicité : quadrimestrielle
Nombre de pages : une centaine en moyenne
Impression : offset
Format : 24 x 27,5 cm
Brochage : dos carré collé
Couverture (noir, quadri…) : variable
Illustrations : oui
Photos : oui
N° ISSN : 1271-0040
N° CPPAP :
Prix au numéro : 20 €
Prix de l’abonnement : 55 € (3 numéros)
ou 100 € (Collector : 3 numéros + 3 estampes numérotées et signées)
Tirage : de 500 à 700 ex.
Nombre d’abonnés : une centaine
Diffuseur : CDE/Sodis par La Dispute