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Le Club des Incorrigibles Optimistes, roman par Jean-Michel Guenassia

Par Mpbernet

cluboptimistesAujourd’hui, j’ai fait un truc inouï.

J’ai commencé ma matinée en décidant dès mon réveil que j’irai au bout du roman commencé voici cinq jours, et pas autre chose. J’ai donc terminé, en sanglots, « Le Club des incorrigibles optimistes », premier roman d'un auteur de scénarii et de polars de 59 ans, qui m’a captivée de bout en bout.

Il faut dire que l'âge - à quelques mois près -  l’époque, l’espace, les préoccupations, l’allergie profonde aux mathématiques et jusqu’au signe astral du jeune héros sont aussi les miens.  Nous voici replongés dans la période si trouble de la fin de la guerre d’Algérie, au Quartier Latin, entre la quai des Grands-Augustins, la place Denfert-Rochereau, le Lycée Henri IV et la rue d’Ulm. Avec pour pivot, la fontaine Médicis, que Michel, âgé de 11 ans en 1959, photographie avec constance… en noir et blanc et un réel talent.

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Il apprécie aussi le Rock américain, le baby-foot, et surtout la lecture. A la bibliothèque de la Mairie du Vème, il lit systématiquement tous les livres d’un auteur. 400 pages en deux jours. Il lit avec le livre sur les genoux, au lycée, dans la rue, ce qui lui vaudra des rencontres aussi violentes que romantiques.

Mais la rencontre qui bouleverse sa vie est celle de ce groupe d’exilés échappés du rideau de fer, qui se retrouve au club d’échecs d’une arrière salle du Balto. Il y a là : Imrè, Pavel, Igor, Victor, Tomasz, Tibor, Léonid, Werner, Gregorios. Autant de prénoms-prétextes de l'auteur pour relater l’itinéraire de ces Tchèques, Hongrois, Allemands anti-nazis, Polonais, Russes, les uns qui furent Blancs, les autres qui crurent au Petit Père des Peuples et qui tous dûrent s’enfuir sans même dire adieu à leur épouse et à leurs enfants, déclarés suspects donc coupables parce que, pour la plupart, juifs. L’un était cardiologue, et on le retrouve brancardier, l’autre comédien célèbre, un autre Héros de l’Union Soviétique et seul pilote de chasse de sa génération à avoir survécu à la guerre et le voici, insomniaque à jamais, taxi de nuit…Ici, ils sont libres de penser, ils s’entraident, des intellectuels célèbres les subventionnent : Sartre, et surtout Joseph Kessel qui fréquentent, eux aussi, épisodiquement, le Balto.

La langue de Jean-Michel Guenassia est limpide. Des phrases courtes à l’extrême, des situations contées avec grâce, le talent de rebondissements inattendus et pourtant tellement vraisemblables. Avec la réminiscence de tout le pathos qu’essayaient de nous inculquer les fervents du communisme. Et les illusions cruelles des jeunes du contingent. Des optimistes comme ces Hongrois auditeurs de Radio Free Europe, qui croyaient dur comme fer que l’Occident viendrait au secours des insurgés…et douchés d’un seul coup au matin du 13 août 61 quand on découvrit l’édification du mur de Berlin…Mais eux, ils sont vivants !

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Ce roman se lit d’une traite. Il parle d’amitié, de solidarité, de courage et de faiblesse, mais surtout aussi de trahison : vis-à-vis des autres et de soi-même. Le personnage le plus attachant de ces histoires étroitement intriquées dans l’Histoire ne survient qu’à la moitié du livre. Il porte un lourd secret. C’est pour le connaitre que je n’ai pas pu me détacher de la lecture avant la 730ème et dernière page.. Et je sais aussi pourquoi on voit tous les jours et par tous les temps de vieux joueurs d’échecs près de l’Orangerie du Jardin du Luxembourg.

Le Club des Incorrigibles Optimistes, par Jean-Michel Guenassia, chez Albin-Michel et au Livre de Poche. 730 p. 8,50€.


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