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Le basculement historique du sénat à gauche

Publié le 28 septembre 2011 par Vindex @BloggActualite
Le basculement historique du sénat à gauche-Le Sénat Français-
Traditionnellement plus conservateur que l'Assemblée Nationale dans l'histoire politique de la France, le sénat a depuis dimanche basculé à gauche. C'est historique puisque c'est la première fois que cela arrive depuis le début de la Vème république. Voyons pourquoi c'est à la fois une surprise, et à la fois une conséquence prévisible sur le moyen terme.
Une victoire surprise :
C'est tout d'abord une victoire surprise de la gauche. En effet, celle-ci n'a jamais été à la tête de la chambre haute pendant la Vème République. Il faut dire que les modalités du scrutin n'ont jamais été à l'avantage de la gauche. En effet, les sénateurs sont élus par un collège de 71 890 grands électeurs, composé de conseillers régionaux, généraux, municipaux, de maires, d'élus. Comme la grande majorité de ces grands électeurs sont des élus du milieux rural, on peu dire qu'il est facile pour la droite de gagner ces élections et d'être à la tête du sénat, puisque le milieu rural, généralement plus conservateur, vote plus systématiquement à droite. Comme il pèse plus lourd, le résultat fut souvent sans appel pour la gauche, d'autant plus que le sénat ne se renouvelle que par tiers tous les trois ans (et depuis 2003 par moitié tous les trois ans). Difficile donc pour la gauche de mener la barque du sénat. Et pourtant, la donne a changé dimanche...
Une victoire prévisible :
Cette victoire était prévisible dans un moyen terme. En effet, si l'on se penche d'abord sur les résultats des dernières élections sénatoriales, on remarque que les élections de 2004 et de 2008 ont à chaque fois vu le progrès sensible de la gauche dans la haute assemblée. Il faut aussi évoquer les dernières élections locales qui ont eu lieu depuis 2004. En effet, elles ont toutes, sans exception, été remportées (au moins en terme de sièges) par la gauche. Et la liste est longue : cantonales et régionales 2004, municipales et cantonales de 2008, régionales de 2010 et cantonales de 2011. Toutes ces élections locales ont modifié le collège électoral qui élit les sénateurs. Cette série de victoire à permis à la gauche de progresser au sein des grands électeurs et manifestement d'y dépasser la droite. Tout observateur ayant eu à l'esprit les sénatoriales à chaque victoire de la gauche au niveau local pouvait prédire un éventuel basculement de celui-ci en 2011, voir en 2014. Nous avions pour notre part eu cette préoccupation lors des dernières cantonales. C'est ainsi que la gauche a obtenu dimanche 177 sièges, contre 171 à la droite et au centre (qui lui faisait toutefois défaut pour certaines lois). Martine Aubry s'est émue de cette victoire, tout en la rattachant au sentiment actuel des français (le lien avec les prochaine présidentielles est à peine caché...). Il est probablement plus exact de voir en cette victoire une conséquence logique des dernières victoires locales, qui n'est pas sans lien, il est est vrai, avec le sentiment des français actuellement (ou dans un passé proche).
Quelles sont les conséquences pour la fin du mandat de Nicolas Sarkozy ?
Le Sénat n'est pas une institution essentielle pour gouverner La France. Pour preuve, François Mitterrand, durant ses 14 années de mandat présidentiel, a toujours dû endurer un Sénat à droite, ce qui ne l'a pas pour autant empêcher de mettre en oeuvre la grande majorité de ses réformes principales.
Néanmoins, nous pouvons faire un premier constat politique et constitutionnel impliqué par cet évènement. En effet, Nicolas Sarkozy fut un temps désireux de faire inscrire dans la constitution la "règle d'or", ce qui consisterait alors dans le fait de poser un principe de valeur constitutionnelle visant à établir "une règle constitutionnelle d'équilibre budgétaire", notamment par le biais d'instauration de lois-cadres pluri-annuelles dont le but serait, en application de ce principe de lutte contre la dette et le déficit public, de réduire les déficits dans lesquels se trouvent actuellement les comptes publics. Cette idée avait été émise, d'aucuns le diront, d'avantage pour rassurer les marchés financiers. Mais voilà, même si a priori on voit mal le rapport avec les élections sénatoriales, il est cependant nécessaire, pour modifier la constitution de la V° République (en application de l'article 89 alinéa 3 de celle-ci) d'obtenir au congrès (la réunion des deux chambres du parlement français) la majorité qualifiée des 3/5 des suffrages exprimés. Souvenons nous, dès lors, que la dernière réforme constitutionnelle (datant du 23 Juillet 2008) avait été votée par le parlement à une seule voix de majorité (celle de Jack Lang !, un socialiste). Dès lors, avec les élections sénatoriales récentes, nous pouvons constater qu'il sera donc encore plus difficile, voire impossible, pour la majorité au pouvoir de faire modifier la constitution en ce sens voulu si l'opposition fait bloc, et il n'est pas certains que le gouvernement souhaite passer par le biais d'un référendum pour ce faire.
D'un point de vue purement institutionnel, il peut exister quelques changements notoires. En effet, le parlement français est bicaméral (composé de l'Assemblée Nationale et du Sénat) et dès lors en cas de désaccord de ces deux chambres sur un même projet de loi ou une même proposition de loi, il existe alors un blocage institutionnel qui va devoir être résolu. Bien évidemment, ce type d'évènement est susceptible d'arriver plus fréquemment du moment qu'une chambre a pour majorité absolue la droite lorsque dans le même temps la majorité absolue est à gauche dans l'autre. Dans ce cas donc, est instaurée une commission mixte paritaire, composée de 7 députés et de 7 sénateurs, chargée d'élaborer un texte commun de compromis susceptible d'être voté par les deux chambres. Ainsi, l'article 45 de la Constitution de 1958 dispose notamment que "Le texte élaboré par la commission mixte peut être soumis par le Gouvernement pour approbation aux deux assemblées. Aucun amendement n'est recevable sauf accord du Gouvernement. Si la commission mixte ne parvient pas à l'adoption d'un texte commun ou si ce texte n'est pas adopté dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, le Gouvernement peut, après une nouvelle lecture par l'Assemblée Nationale et par le Sénat, demander à l'Assemblée Nationale de statuer définitivement. En ce cas, l'Assemblée Nationale peut reprendre soit le texte élaboré par la commission mixte, soit le dernier texte voté par elle, modifié le cas échéant par un ou plusieurs des amendements adoptés par le Sénat". Par conséquent, le "dernier mot" est attribué à l'assemblée nationale, sauf pour les lois constitutionnelles (puisqu'il n'y a pas en l'espèce de navette parlementaire) ou les lois organiques relatives au Sénat. Ainsi donc, l'Assemblée Nationale restant la chambre la plus puissante, (y compris dans le cadre d'un désaccord avec le Sénat) le gouvernement actuel peut continuer de gouverner, étant donné que c'est très rarement que l'assemblée nationale a rejeté, après procédure de commission mixte paritaire, le texte du gouvernement (bien que ce soit arrivé à quelques reprises). Le changement en terme d'adoption législative des projets gouvernementaux est donc mince, car le pouvoir du Sénat en la matière reste limité : sa fonction est l'occurrence d'avantage de pousser la majorité parlementaire à un dialogue de compromis autour du projet discuté.Enfin, en terme de première lecture, il convient de préciser que tandis que certains projets ou propositions de lois sont examinés en première lecture par l'Assemblée Nationale (les lois de finances et les lois de financement de la sécurité sociale notamment) alors que d'autres le sont par le Sénat (relatifs à l'organisation des collectivités territoriales, relatifs aux instances représentatives des Français de l'étranger). Lorsqu'une assemblée a le texte en première lecture, cela signifie qu'elle est la première a pouvoir l'amender (le modifier) avant de le voter. Bien que ce soit très souvent l'Assemblée Nationale qui dispose d'un tel bénéfice, lorsque le Sénat (dans les cas énumérés plus haut) bénéficie de cette première lecture, il pourra, de par sa nouvelle majorité, imprimer sa volonté politique par le biais d'amendements du texte afin de l'orienter plus conformément à ses opinions. Bien sûr, lorsque le texte voté arrivera à l'assemblée nationale, celle-ci ne sera aucunement liée par son contenu, et c'est là que pourront naître le plus souvent des situations de blocage, lesquelles seront cependant alors en faveur de l'assemblée nationale, donc en faveur de la majorité qui y réside.Rémi et Vincent Decombe.

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