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Restless (2011) de Gus Van Sant

Publié le 27 septembre 2011 par Flow

Restless. (réalisé par Gus Van Sant)

Le passage.

 

 

Restless (qui signifie «sans repos») est le premier film d'auteur que je vais voir au cinéma, seul, dans une vieille salle de quartier et en V.O. Une expérience de cinéma différente que je vais tenter plus souvent tant j'ai été envouté par cette atmosphère particulière et évidemment...par le film.

 

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Enoch Brae est un jeune lycéen atypique. En effet, il ne fréquente plus vraiment les bancs de l'école, leur préférant ceux des funérarium lors de cérémonies funéraires d'inconnus. C'est au cours de l'une d'elle qu'il rencontre Annabel Cotton, pétillante jeune fille, amoureuse de la Nature (et de Charles Darwin) mais atteinte d'un cancer en phase terminale. Très vite, les deux êtres que tout oppose deviennent inséparables...

Le sujet n'est certes pas original mais la manière dont Gus Van Sant le transcende, couplé aux magnifiques compositions du duo en tête d'affiche (Henry Hopper fils de Dennis, Mia Wasikowska) et de Danny Elfman, emporte notre adhésion. Le film est beau, émouvant, poignant, prenant... Et je suis à court d'adjectif mais vous avez compris mon point de vue: j'ai adoré! Cette histoire transpire le romantisme dans sa plus pure expression (au sens strict, donc loin des niaiseries actuelles du genre Remember me). On revient à l'essence du courant artistique: une jeunesse qui cherche à affirmer son identité à travers les tourments du cœur et de l'âme. Nommer l'innommable... L'adolescence est l'âge où tous ces sentiments sont les plus forts et les plus douloureux. Le romantisme est une réaction du sentiment (l'enfance) contre la raison (l'âge adulte), cherchant l'évasion et le ravissement dans le rêve, le morbide et le conte. L'adolescence est un passage, un stade intermédiaire. Plus tout à fait enfant mais pas tout à fait adulte, perdu entre deux. Il paraît que c'est le sujet de prédilection du réalisateur mais ne connaissant pas sa filmographie (mis à part Elephant dont c'était bien le thème) je ne peux avoir de vue d'ensemble. Bref, cet âge délicat et compliqué à traverser, nos deux héros en sont prisonniers à cause de la plus grande hantise de l'Homme: la mort. Lui a été victime d'un accident de voiture qui a causé la mort de ses parents. Après un coma de quelques mois, il se réveille abandonné au monde, sans avoir pu prendre conscience de la disparition de ses géniteurs. Il se réfugie dans l'enfance (présence de l'ami imaginaire) pour ne pas avoir à y faire face. Il ne comprend pas la mort et fuit face à la réalité, à la résignation. Mais en même temps, il a ce besoin de compréhension, d'explications tangibles. Il cherche à rendre palpable la mort, à vivre la disparition de ses parents (en se rendant aux funérailles de parfait inconnus). Pourquoi est-on mortel? Il est dans le passage, perdu entre deux manières d'appréhender la chose. A la manière de l'enfant: ne pas y penser, imaginer et à la manière des adultes: embrasser un questionnement sans fin et une immense tristesse.

Elle, a été forcée de grandir trop vite à cause de sa fin programmée et inévitable. Elle sait qu'elle va mourir, que le néant l'attend. Face à cette idée, elle a choisi volontairement d'adopter une attitude détachée, enfantine. Comme si après tout, ce n'était pas si important. A quoi bon vivre avec sa raison si l'évasion atténue la souffrance...

Gus Van Sant établit l'adolescence comme l'âge de la pureté, de la beauté. Le seul âge où on est capable de se rapprocher du sens de la vie. C'est ce que font les deux jeunes gens grâce à cette rencontre inopinée. Il voit dans cette jeune fille l'occasion d'enfin côtoyer la mort d'un proche, de comprendre ce qui est arrivé à ses parents. Et donc de grandir. Elle, voit dans cet enfant perdu un moyen d'évasion, d'accès à la rêverie. Et ça marche, dans un premier temps, mais l'amour vient tout compliquer. Annabel n'est plus autant résignée et Enoch, plus vraiment enclin à la laisser partir. C'est le tournant (attendu certes) du film. Il commence à agir en adulte (confrontation avec le monde des grands: le médecin, sa tante), à prendre conscience de la mort et de la perte, à se sentir impuissant. Ce long-métrage traite de passages. Le passage de vie à trépas, de l'enfance à l'âge adulte. Enoch accompagne Annabel dans le premier et accomplit le second. Et lorsque (enfin) vient le moment des funérailles, il a compris. La vie n'est elle aussi qu'un passage qu'on se doit d'apprécier comme des enfants tout en sachant que comme la craie qui reste inscrite sur le goudron, les traces qu'on laisse ne disparaissent pas avec nous. Puis il sourit.

Un film complexe mais essentiel. D'un romantisme forcené, à une analyse de l'adolescence passionnante, on est touché par la densité du propos et des personnages. A voir.

Note:

Pastèque royale


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