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Critique : L’Ordre et la Morale

Par Kub3

Voilà presque dix ans que l’on avait perdu Mathieu Kassovitz outre-Atlantique avec les décevants Gothika puis Babylon AD. Hollywood ne semble pas avoir réussi au réalisateur de La Haine, qui a finalement choisi de revenir vers la France pour son nouveau film, un projet ambitieux nourri par une idée à la fois spectaculaire et utile du cinéma. L’Ordre et la Morale revient sur la prise d’otage de gendarmes par des indépendantistes en Nouvelle-Calédonie en 1988. Un sujet aujourd’hui encore controversé, qui pourrait bien se transformer en patate chaude d’ici la sortie du film.

Critique : L’Ordre et la Morale

Au printemps 1988, 30 gendarmes sont faits prisonniers et retenus en otage par les Kanak, un groupe d’indépendantistes sur l’île d’Ouvéa. La réplique de la France ne lésine pas sur les moyens : 300 militaires sont envoyés sur place pour rétablir l’ordre, tandis que Philippe Legorgus, capitaine du GIGN (Mathieu Kassovitz) tente d’ouvrir les négociations avec Alphonse Dianou, le meneur des preneurs d’otage. Mais à la veille des élections présidentielles, l’enjeu politique dépasse celui de quelques vies humaines. Inspiré du livre La Morale et l’Action écrit par Philippe Legorjus lui-même, L’Ordre et la Morale revient sur une page obscure de la politique française. Sans se soucier de l’Histoire officielle, Mathieu Kassovitz réussit un film engagé dénué de consensus et de bien-pensance. Sans oublier de faire du cinéma.

La réalisation parvient à développer une véritable ampleur et une efficacité spectaculaire au service de la reconstitution et du scénario. A travers les doutes du négociateur du GIGN et la relation intime qu’il tisse peu à peu avec le chef des preneurs d’otage, L’Ordre et la Morale évite la psychologie appuyée et se constitue en pur film de mise en scène, ambitieux, soigné, nourri d’intonations hollywoodiennes, presque lyriques par instants. A la fois fluide et complexe, libre et référencé (le trait est par moments légèrement appuyé quand il s’agit d’évoquer Apocalypse Now), L’Ordre et la Morale est avant tout réussi pour sa forme, sans esbroufe et impressionnante pour sa puissance d’évocation. Seules les premières minutes – en forme de flashforward alambiqué – et les dernières images laissent dubitatifs : en guise de prologue et d’épilogue, Mathieu Kassovitz y tente une transcription visuelle de l’effort de son personnage pour se souvenir des faits. Laborieux, le procédé manque cruellement de finesse.

Les véritables handicaps de L’Ordre et la Morale sont ceci dit d’un autre ordre. Le film souffre d’approximations au niveau du casting (notamment celui des hommes politiques) et d’une écriture des répliques parfois malhabile. Certaines phrases aux résonances trop simplistes tombent à plat (« la vérité blesse, le mensonge tue »), aux dépens de la véritable profondeur du propos. Mais ces petits défauts plus ou moins latents ne doivent pas éclipser une réussite beaucoup plus globale : celle d’un film qui fait œuvre de cinéma tout autant que de réflexion politique sur son propre pays. Une rareté en matière de cinéma français.

Critique : L’Ordre et la Morale

En salles le 16 novembre 2011

Crédits photos : © UGC Distribution

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