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Anthologie permanente : Haroldo de Campos (1929-2003)

Par Florence Trocmé

et ici je commence et ici je me lance et ici j’avance ce commencement 
et je relance et j’y pense quand on vit sous l’espèce du voyage ce n’est 
pas le voyage qui compte mais le commencement du et pour ça je mesure et 
l’épure s’épure et je m’élance écrire millepages mille-et-une pages pour en 
finir avec en commencer avec l’écriture en finircommencer avec l’écriture 
et donc je recommence j’y reprends ma chance et j’avance écrire sur l’écriture 
est le futur de l’écriture je surécris suresclave dans les mille-et-une- 
nuits les mille-et-une page ou une page dans une nuit ce qui se ressemble 
s’assemble pages et nuits se miment s’ensoimêment où le bout c’est le début 
où écrire sur l’écrire c’est non-écrire sur nul-écrire et pour ça je commence 
je démence pour décommencement et je change et dérange un libre où tout 
serait fortuit et forcé où tout serait non et tout serait selon un livre-nombril 
du-monde un monde-nombril-du-livre un livre de voyage où le voyage est le livre 
l’être du livre est le voyage et pour ça je dépars car l’art c’est le départ 
et je tourne et détourne car à mon tour je me double et je mesure ma remesure 
un livre est le contenu du livre et chaque page d’un livre est le contenu du 
livre et chaque ligne de chaque page et chaque mot de chaque ligne est 
le contenu du mot de la ligne de la page du livre un livre essaie le livre 
tout livre est un livre en essai d’un essai d’un livre d’essais c’est pourquoi 
le boutdébut débute et aboutit but à but au début et la fin à l’affût s’affine 
la fin qui raffinit file et faufile le fil de la fin au fur que je mesure 
et à mesure que j’effile et où ça finit ça recommence et sans cesse j’y pense 
à la vitesse du vent et j’y reviens par un fil qui frétille et il y a 
mille-et-un récits dans un mince débris de récit c’est pourquoi je le nie 
et au récit ne me fie et je ne chante ni raconte et le non-chant me décompte 
et pourtant je l’entonne cet envers du conte qui peut être honte qui peut être 
comble qui peut être conte ça dépend de la chance ça dépend d’une nuance 
ça dépend de l’aisance et pourtant ça dépend et rien et touille et rien du tout 
et égout et égal et aiguille et vétille et nib et nibergue et niberte et nif 
et pasdutout et nullement et cil de nihil et plus jamais de nulla res somme toute 
peut être total peut être sommation sommesommaire de tout en somme au sommet 
que j’avance en écho écho d’un essor que je déclos moi l’oiseau de l’écho 
du vol en écho de l’oiseau de l’écho dans l’acte de le déclore l’oiseau creux 
de l’écho qui prend son vol dans le clos de l’os et ici et ailleurs et de 
ce côté-ci ou de ce côté-là ou là-bas ou là-haut ou partout ou nulle part ou 
à plat je commence aux prises je commence de plain-pied je commence au rebours 
je commence par le mince commencement que la griffe du récit ne me ronge et 
j’y plonge ne me nuit et tant pis car dans l’os creux du vol je ne connais que 
le vol et mon nœud je le file sans avoir jeu ni lieu où le voyage est merveille 
est tournesol voyage de merveille est éveil du mirage où la miette l’aigrette 
la fête est merveille est vanille est vanesse est vermeil d’étincelle est 
lettrine d’orfèvre est lunule du mystère et je décompte les fées et je racompte 
mes frais et par la fin j’y remonte car le vocable est ma fable 
 
Haroldo de Campos, in Galaxies (1963-1976), traduction Inès Oseki-Dépré, La Main Courante, 1998 
 
Haroldo de Campos dans Poezibao :  
bio-bibliographie, extrait 1, fiche de lecture une anthologie , une poétique de la radicalité (JP Dubost) 
 
 
[Jean-Pascal Dubost] 


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