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Gus Van Sant | Restless

Par Roughdreams @popsurrealisme

Gus Van Sant | Restless

Gus Van Sant a souvent abordé l’idée de la mort : la mort comme événement contingent (être ou ne pas être sur le chemin d’un tueur fou) dans Elephant, l’accident absurde dans Paranoid Park, le suicide dans Last Days, l’imminence de la disparition, de l’évaporation, à la fin de Gerry. Restless semble vouloir continuer cette prospection en la décalant quelque peu, en proposant une vision située entre une forme de romantisme poétique et une conscience vive de ce qui oppose et rapproche cinéma et trépas.

Succinctement résumé, Restless ressemblerait à un mélodrame banal, une love story des temps actuels, l’histoire d’amour d’un couple dont l’un des éléments est menacé d’une disparition imminente. Enoch est un adolescent qui s’invite régulièrement aux cérémonies d’enterrement, satisfaisant visiblement un goût morbide pour les rituels funéraires.

On apprendra que le jeune homme tente de retrouver ce qui lui a été refusé il y a plusieurs années : assister aux obsèques de ses parents, tués dans un accident, lui-même étant alors plongé dans le coma. Mais ce garçon qui a peut-être le sentiment d’être revenu, après des semaines d’inconscience, du pays des morts, rencontre une jeune fille durant un de ces enterrements dans lesquels il s’est incrusté. Celle-ci, Annabelle, est atteinte d’un cancer, dont elle apprend vite qu’il est incurable. Tout est alors en place pour que se déroule une histoire d’amour dont le terme est forcément programmé par l’imminence du trépas.

Les jeunes gens de Restless doivent gagner du temps, plonger dans l’oubli d’une absence de futur possible, vivre dans un immédiat présent. Pourtant, l’idée de la nécessité d’une urgence frénétique est ici perpétuellement contrariée par la douceur d’un film qui semble à la fois recourir à la rhétorique invisible d’un produit de studio hollywoodien et, en même temps, éviter toute convention sentimentale, naturaliste et psychologique, être en deçà de l’hystérie qu’un tel sujet imposerait.

Malicieux

La question de la représentation de la mort est, par ailleurs, elle-même malicieusement posée par le film lorsque les deux protagonistes interprètent, par jeu, une scène d’agonie trop cinématographique pour être honnête mais à laquelle il est possible pour le spectateur de se laisser prendre quelques secondes.

La quête d’un divertissement permanent mais aussi l’apprivoisement de l’imaginaire pur (Enoch parle avec le fantôme d’un jeune pilote japonais kamikaze mort pendant la guerre du Pacifique, ce qui introduit subtilement l’Histoire et ses tragédies dans un récit qui ne semblait pas en faire grand cas) sont ici les marques d’un stoïcisme juvénile émouvant. Mais ce qui fait aussi le prix de Restless, qui en fera sans doute un des plus beaux films de son auteur, c’est la manière dont il dépasse le système un peu figé avec lequel Gus Van Sant inventait des silhouettes humaines.

Le jeune homme semble faire partie de ces éphèbes au dandysme buté, et peut-être inconscient, ces adolescents mâles que le cinéaste aime dépeindre. Mais, ici, le plus beau personnage est encore celui de la jeune fille, dont la vitalité constitue l’énergie profonde de ce voyage vers la fin. Et à cela, à cette peinture d’une si belle figure féminine, Gus Van Sant n’avait plus guère habitué le spectateur depuis un moment.

(Jean-François Rauger / Le Monde.fr)

« Restless »

Un film de Gus van Sant

Avec Mia Wasikowska , Henry Hopper, Schuyler Fisk

(USA, 2011)


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