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L’affaire 40/61

Par Lonesloane

De Harry Mulisch

L’affaire 40/61
« Dans une sorte de tic nerveux, son regard dévie brusquement, sa tête est prise d’un tremblement qui entraine un tiraillement de la bouche vers la gauche et il aspire ses joues vers l’intérieur. Dans ces moments là il y a quelque chose de l’Eichmann tel que nous souhaitons le voir : un visage d’une invraisemblable dureté, qui me fait froid dans le dos. Un visage en ruine qui en même temps inspire une profonde pitié. »

Il existe des ouvrages qui auront la vertu de vous permettre de prendre le recul nécessaire quant à la compréhension des évènements les plus sordides qui ont éclaboussé de manière indélébile la triste période de la seconde guerre mondiale.

En 1961, à Jerusalem, Harry Mulisch, reporter pour l’hébdomadaire néérlandais « Elseviers Weekblad », a pour tâche de suivre et de rendre compte du procès d’Adolf Eichmann, le bourreau nazi, que le monde entier s’apprête à suivre avec autant de ferveur que de curiosité (malsaine ?).

C’est un travail méticuleux que nous propose ici Harry Mulisch, ou comment un hommes « ordinaire » a-t-il été capable de commettre de telles atrocités au nez et à la barbe du monde entier ? Mais plus encore qu’un rapport circonstancié des faits et du déroulement du procès en lui-même, l’auteur pause avec brio la question du sens que peu avoir le mal, du sens que peu avoir un tel procès au yeux du monde. A Nuremberg, ce fut un jugement collectif qui, quelque part, cherchait à condamner les actes d’un nation entière, ici, c’est un homme, seul, qui est confronté à ses actes passés, un homme que l’on cherche à « comprendre », mais qui reste campé sur cette notion d’obéissance aux ordres, cette notion de hiérarchie. C’est en ce sens que « L’Affaire 40/61″ est une œuvre majeure à mes yeux, le document apporte un éclairage capital à cette période trouble de notre Histoire, un témoignage qui force à la réflexion en écartant la notion de « vengeance » et de « règlement de comptes » pour se recentrer sur le fond des choses, une approche philosophique des évènements qui induit une gymnastique mentale oh combien nécessaire.

Les ouvrages que l’on referme avec l’étrange sentiment d’avoir « grandi » ou encore « muri », sont suffisamment rares pour ne pas oublier de les mettre en avant. Des écrits qui entrent dans une sorte de panthéon de notre mémoire collective, pour que personne ne puisse jamais oublier ce que la bêtise humaine est capable d’engendrer si nous n’y prenons pas garde…

Affaire 40/61. page 262 :

« Journal du SS-Obersturmführer Johann Kremer (médecin en liberté) : Le 6 Septembre, aujourd’hui dimanche, déjeuner excellent : soupe de tomate, un demi-poulet avec pommes de terre et chou rouge, dessert et glace à la vanille délicieuse. Le soir à 8 heures à nouveau dehors pour l’action spéciale. (La sélection à l’entrée de la chambre à gaz). »

Vous pouvez consulter une interview de Harry Mulisch ici.

Un autre ouvrage traitant du sujet a été écrit par Hannah Arendt (reporter pour le journal New Yorker) « Eichmann à Jerusalem. Rapport sur la banalité du mal », vous trouverez un document que je trouve intéressant ici.


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