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Notre entretien avec Cléo T.

Publié le 01 octobre 2011 par Chroniquemusicale @chronikmusicale

Notre entretien avec Cléo T.On t’avait laissée en 2009 avec le groupe 21 Love Hotel, que s’est-il passé depuis ?

Cléo T. : J’ai continué à faire de la musique. J’ai écrit des chansons, j’en ai écrit plus et plus toute seule maintenant. J’ai beaucoup voyagé, un peu partout. J’ai respiré les différents parfums du monde. J’ai essayé de mettre tout ça dans une petite boite qui constitue aujourd’hui le premier album que j’ai écrit seule. C’était un grand moment (rires)

Je pense que c’était une année et demi un peu comme le grand tour que faisait les romantiques à l’époque pour partir à la recherche d’eux même et voir un petit peu le monde

Comment s’est passée l’écriture des chansons ?

L’écriture s’est faite de manière très impulsive. Ca démarre directement, ça va très très vite. Si je n’ai pas l’idée immédiatement, et si elle ne prend pas forme tout de suite, j’ai l’impression que le feu ne prendra pas.

Il y a eu deux époques de composition, une première très rapidement puisque j’ai eu l’idée de faire ce projet juste à la fin de 21 (ndlr 21 Love Hotel). On m’a proposé un concert, il n’y avait rien, j’ai lancé plein de bouteilles à la mer demandant des musiciens, j’ai eu des gens supers qui sont encore ceux qui travaillent avec moi aujourd’hui et donc j’ai écrit en trois mois de quoi monter un set. D’ailleurs un des morceaux que j’affectionne le plus, celui qui ouvre l’EP et qui ouvrira l’album I Love Me I Love Me Not est le premier morceau que j’ai écrit. Il n’y a pas eu de vraie recherche avant de trouver l’esthétique, avant de réfléchir à quel projet j’avais envie de faire. Le truc est apparu et avant que j’ai eu le temps d’y penser, quand j’ai eu fait cette chanson, je l’ai écoutée et je me suis dit « ah bien oui, en tout cas c’est ce que je peux faire ». Je ne sais pas si c’est ce que j’ai envie de faire mais c’est ce qui sort de moi. C’est de cette manière là que j’ai vogué jusqu’à la fin de la composition.

Après j’ai erré un peu à droite et à gauche. Avec le piano, l’autoharpe, à cappella avec les percussions c’est comme ça que je travaille. Et avec mon oiseau aussi, qui est très important dans l’écriture.

Pardon, avec ton ?

Mon oiseau. J’ai un oiseau chanteur qui est un juge arbitre implacable, qui a un goût en général assez tranché (rires), et qui m’a assisté dans ma longue entreprise.

Notre entretien avec Cléo T.
Comment as-tu rencontré la belle formation avec laquelle tu joues ?

Oui, ce sont des musiciens extraordinaires. J’ai vraiment beaucoup de chance de les avoir. Ce sont des gens très différents qui viennent d’univers dans lequel PJ Harvey est parfaitement inconnue par exemple. Donc aller travailler avec John Parish c’était très important pour moi, pour eux c’était génial, mais ils ne savaient pas trop, parce que ce sont des gens qui viennent du free jazz, de la musique improvisée, d’univers très différents de la musique concrète.

J’ai lancé des appels, j’ai ouvert des sites internet, des myspaces, même si c’est complètement désuet, j’ai envoyé des emails avec mon cousin qui est à la guitare et qui m’a aidé dès le début, on a envoyé des petits SMS dans la nuit en se disant « on verra bien », et puis ces gens là sont restés.

Il y a un musicien que je connaissais déjà, sinon ce sont des rencontres, de belles rencontres.

Tu avais déjà ciblé les instruments que tu souhaitais?

Dans tous les cas, le son que j’avais envie. J’avais passé pas mal de temps en Argentine où il y a des groupes sans percussion, mais simplement avec des violoncelles, les violons, les contrebasses, il y a une rythmique de malade, je me suis dit qu’il fallait des cordes. Le violoncelliste qu’on a est un magicien. Je le trouve incroyable. Il remplit parfaitement mes espérances (rires).

J’avais donc des idées sur le son, je voulais quelque chose de très rugueux, de très acoustique et qui puisse en même temps avoir une forme de force pour porter ces choses là où il y a beaucoup d’expressions de ma part. J’avais envie qu’il puisse les emmener un petit peu loin.

Mais en dehors de ça, je n’avais pas vraiment d’idée préconçue « je veux tel genre de musicien, j’aimerai qu’il ait joué avec telle genre de formation ». Ca s’est fait comme ça, comme un petit peu tout ce qui s’est fait sur le projet. C’est vraiment une année et demi comme Alice qui rentre dans la forêt sans nom où il y a une petite lumière au bout quand même. C’est très simple, il n’y avait qu’une seule voie où je pouvais marcher, ailleurs je ne savais pas où ça aller, donc j’avançais tout droit. Les gens comme John (ndlr John Parish qui a enregistré l’album) ou Robert Wyatt qui a également suivi aussi un petit peu le projet, je ne sais pas comment mais c’est arrivé.

Comment as-tu rencontré John Parish ?

John, je l’ai rencontré il y a maintenant 6 ans à peu près, on a joué ensemble à Paris, il m’a vu sur scène et a dit qu’il aimerait bien un jour travailler avec moi. Je lui avais dit que je rêvais de travailler avec lui. On avait pas mal d’amis communs, les gens de Venus dont il était assez proche étaient des amis, ils m’ont pas mal aidé au début. Tout ça se mettait en place. John a eu droit au premier « garage » bandes. J’étais chez lui à Bristol juste avant l’été, on en reparlais et me disait qu’il avait été touché par cette petite bonne femme qui lui envoyait des trucs enregistrés avec son bras gauche, tous les bruits parasites et l’oiseau au fond. Il a donc suivi les premiers pas et a été là jusqu’à la réalisation finale.

L’enregistrement c’est fait à Bristol ?

Oui, à Bristol au Toybox Studios avec des gens incroyables. Ali qui a enregistré l’album, assisté de John. John travaille là bas depuis très longtemps. J’avais travaillé avec les Fiztcarraldo, on était parti à UCP un grand studio qui m’avait ôté toute possibilité de performance.

On est arrivé, il y a avait un beau piano dans la première pièce, il me dit alors « mais il y en a un autre pour toi ». En effet il y en avait une toute petite pièce qui s’appelait The Cave qui était une grotte rouge avec un piano hyper vieux, hyper bastringue. J’ai dit « C’est là ! » Je me suis enfermée dans cette pièce. Et on a tout fait depuis ici. C’est une sorte de grande grotte ce studio où tout le monde peut se voir. On a tout enregistré en live, c’était vachement important de jouer ces morceaux là ensemble et ne pas rentrer dans un processus de « chacun fait son truc ». Du coup c’était un moment très intense que John a réussi à organiser et à capturer. C’était une vraie chance pour nous.

Ton EP contient 5 chansons, vous avez enregistré plus de chansons ? Un album est prévu ?

Oui, il y a l’album qui est prêt. Mais je suis très égoïste, je le garde toujours dans mon placard. C’est difficile d’envoyer son petit truc, de demander aux gens de l’écouter.

J’attends que les choses se passent de la bonne manière aussi, que les choses arrivent. Je n’ai pas envie de me battre partout. Il y a donc un EP qui est sorti (ndlr Songbirds Singing), j’en suis très contente et l’album qui va sortir, d’abord aux Etats-Unis puis en Italie, en Allemagne normalement et puis en France un jour peut-être (rires) On verra bien, on verra ce qui se passe.

C’est une stratégie ?

Non, c’est un état de fait. A savoir que moi parce que je passe beaucoup de temps à l’étranger, j’ai beaucoup plus de contacts et d’amis en Angleterre. Là je travaille sur un très beau projet de long métrage avec une équipe britannique qui va se tourner aux Etats-Unis. Je vais jouer des chansons de l’album « on screen », même dans le film. Il se trouve que les choses arrivent.
En Italie, on a déjà fait deux tournées, on repart pour une tournée d’une vingtaine de dates en mars, en Allemagne aussi.
Je ne sais pas, en France les choses ne se passent pas pareil, et je connais moins de gens aussi donc peut-être les choses sont plus faciles à l’étranger.

Des concerts prévus prochainement à Paris ?

Oui, le 15 octobre 2011 à la Flèche d’Or pour les Boutiques Sonores, le 15 novembre au Gibus pour Roy Music qui organise des soirées là bas, peut-être en décembre également, le 15, c’est tombé comme ça, donc on va essayer de trouver quelque chose tous les 15 par soucis de systématisme.

Après ce sera plutôt l’Italie, la Suisse et peut-être l’Allemagne, à voir comment on s’organise. Entre temps on devrait partir pour ce film.

J’ai lu depuis la sortie de l’EP de très bons retours, est-ce que cela se passe comme tu veux ?

Oui, je suis contente, parce que j’ai eu des mots vraiment très gentils et que j’ai l’impression que les gens qui ont envie de l’écouter reçoivent ce que j’ai mis dedans. C’est surtout ça qui me fait plaisir.
D’ailleurs les gens qui n’aimaient pas ont écrit des choses qui me plaisaient beaucoup. C’est proprement pour ça que j’aime mon disque (rires). Si je dois le défendre c’est pour ces raisons là, donc ça me va très bien.

Après ce qui me fait plaisir c’est que les dimensions que j’ai essayées d’y mettre dedans, les qualificatifs qu’on va trouver sur les univers, sur l’esthétique j’ai l’impression que les gens les reçoivent. Ce que je voulais c’était dire quelque chose de clair, d’avoir une parole claire et qu’elle soit entendue par 2, 3, 5, 7, je ne sais pas combien de personnes, mais que ce message là soit clair. Donc en ce sens là, je suis contente.

Une dernière question sur I Love Me I Love Me Not, pourrais-tu nous en dire deux mots ?

Deux ? Attends il faut bien que je les choisisse (rires).

Pour moi ce n’est pas une chanson bipolaire, même si on l’est tous un petit peu. Je pense qu’un peu partout il y a beaucoup d’ombre et beaucoup de lumière, je suis quelqu’un qui aime ces contrastes très forts, qui accepte de sombrer et d’explorer les profondeurs vraiment pour espérer un jour monter un petit peu. Je pense que c’est difficile d’espérer monter haut, quand je dis ça je ne parle pas du monde de la renommée, mais par rapport à soit, s’élever. C’est difficile d’espérer s’élever sans accepter d’aller racler les fonds.
I Love Me I Love Me Not c’est ça. C’est à dire qu’on peut être dans des sentiments très violents, ils ont forcément un aspect inverse. Ce que j’aime avec la musique c’est essayer de convertir les deux.
D’ailleurs c’est assez amusant, parce que je suis scorpion, et le scorpion en Egypte, je crois que c’était un animal sacré dans la mesure où on pensait qu’il aspirait l’énergie négative de la terre et comme le scorpion a ses yeux sur le haut du crane, il la transformait et la renvoyait vers le ciel. Je trouve que c’est une jolie métaphore. Je ne prétends pas le faire pour le monde mais si je peux le faire pour moi-même c’est déjà ça de pris.

Merci beaucoup !

Allez buvons un coup !


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