Magazine Culture

Tout de même, ce n’est pas un schizophrène!

Publié le 02 octobre 2011 par Lana

Un article de Libération dénonce fort justement des violences policières qui ont conduit à la mort d’un autiste: http://www.liberation.fr/societe/01012362223-menottage-fatal-pour-un-colosse-autiste

Une histoire qui montre encore une fois que la peur des malades conduit à plus de drames que la violence des malades eux-mêmes (je ne parle pas seulement de morts, mais de la façon dont les malades psychiatriques sont traités par la société). Par contre, quel n’est pas mon étonnement de lire dans cet article les paroles du médecin traitant de la personne tuée: «Serge n’était pas un schizophrène. Il était autiste, donc très replié sur lui-même. Il avait un cadre de conduite qu’il suivait sans en dévier. Je n’ai jamais été appelé pour une crise, un comportement violent. Mais en revanche il était imposant physiquement. Peut-être qu’il pouvait impressionner des gens qui ne le connaissaient pas.»

Parce que les schizophrènes ne sont pas, la plupart du temps, repliés sur eux-mêmes? Rappelons à ce médecin qu’un des principaux symptôme de la schîzophrénie est bien l’autisme, terme qui n’est pas utilisé pour décrire un handicap ou une maladie en soi dans ce cas, mais bien un repli sur soi.

Les schizophrènes aussi peuvent impressionner des gens qui ne les connaissent pas, par leur comportement qui peut être étrange, ou simplement parce qu’on les a désigné comme schizophrène et que ce seul mot fait peur aux gens, et ce ne sont pas les paroles de ce médecin qui vont arranger les choses.

Comment peut-on déplorer une violence qui a conduit à la mort d’un innocent en disant qu’il n’était pas schizophrène, comme si les schizophrènes méritaient d’être traités comme ça? Comme si ces violences n’étaient pas tout aussi atroces pour un schizophrène? Comme si on pouvait excuser la mort d’un schizophrène?

Il s’agit bien ici d’un drame de l’incompréhension, de la stigmatisation, de la peur de la différence, et tout cela nuit tout autant aux schizophrènes.

Tant que les gens n’auront pas compris qu’on ne revendique pas des droits, de la considération, de la comprehénsion en les déniant aux autres, rien ne s’améliorera.

Les schizophrènes ne sont pas les rebuts de l’humanité, ceux pour qui des HP dans des états désastreux sont toujours bons quand ils sont inacceptables pour les autres, ceux qu’on peut stigmatiser quand il est hors-la-loi ou scandaleux de le faire pour d’autres, ceux qu’on peut utiliser comme boucs émissaires, ceux qui servent de comparaison pour dire à quel point les autres ne sont pas si fous, pas si violents et que par conséquent on ne peut pas les traiter aussi mal qu’eux, ceux qui ne ressentent rien, ceux qu’on oublie, ceux qu’on fuie, ceux qui ne comptent pas, ceux dont parents, soignants et Etat veulent contrôler la vie.

Sans doute, ça fait bien dans la conversation, « quelle honte de le traiter comme ça, tout de même ce n’est pas un schizophrène », voilà un argument de poids, les gens peuvent apporter leur compassion à cette personne si mal traitée alors qu’elle n’est même pas schizophrène. Mais est-ce que ça va aider les autistes, les handicapés mentaux, les dépressifs ou tout autre groupe de personnes de réclamer de la considération en rejetant une autre catégorie de personnes? Non, ça veut juste dire qu’on accepte, qu’on légitime même le fait d’exclure un groupe de gens en les jugeant uniquement sur une particularité commune. Mais à partir du moment où on accepte une société qui ostracise les schizophrènes, ça veut dire qu’on accepte le principe même de l’ostracisme. Alors il ne faut pas se plaindre d’en être un jour victime quand on l’a accepté pour les autres, quand on l’a même utilisé pour défendre ses droits.

Tout de même, ce n’est pas un schizophrène!

Une personne sur cent est schizophrène. Vous en croisez donc chaque jour. Etant donné ce qu’ils doivent supporter d’entendre en ce moment, on peut dire qu’ils sont étonnamment calmes et discrets, puisqu’on vous ne vous rendez pas compte d’en croiser autant sur votre chemin.


Filed under: Réflexions personnelles

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Lana 4822 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte