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Le faire ou mourir

Par Vanessav

Le faire ou mourir"Le faire ou mourir" de Claire-Lise MARGUIER est un court roman choc. Dam DeCaro est un adolescent de presque 16 ans aux prises avec la difficulté de vivre cet âge des possibles, ou plutôt des impossibles futurs.
Jeune au corps de "frite molle", il est solitaire. Seul parce qu'effacé, seul parce qu'aussi trop intelligent. A travers ses confidences offertes à une oreille attentive (le lecteur est tutoyé) nous avons accès à sa souffrance. " Il y a le ciel au dessus de moi, mais je ne le vois pas. Moi j'ai toujours vu que ce qui est sombre, ce qui est noir et effrayant, les monstres sous le lit, les fantômes dans le placard, la mort à l'angle de la rue."
Oui les thèmes sont violents et ardents: l'homosexualité, la scarification, le piercing, la violence extrême. Mais il n'y a pas là d'accumulation sordide mais bien une finesse des propos.
Dam (Damien) est un adolescent mal aimé à la recherche d'attention. Les autres ne semblent pas les plus méchants, même si les signes de coup sont visibles. C'est bien dans le cercle familial que le pire peut exister.
La famille se replie dans un autoritarisme et un étiquetage de l'adolescent sans prendre la peine de communiquer. Ils se fient aux indices vestimentaires, scolaires et conventionnels. Tout serait une affaire de crise d'adolescence, cela lui passera. Mais ils passent à côté de lui.
Le jeune homme comprend tout toujours plus vite que les autres: "Tu finis par te retrouver loin devant, et loin devant c'est pareil,que loin derrière, t'es tout seul, avec la différence que loin devant, les gens sont jaloux et curieux à la fois. Et cruels." Il cogite et bouillonne de sentiments non exprimés. Ses actes sont signe de négligence affective.
Le malaise pousse aux questionnements et aux passages à l'acte. Et les solutions paraissent fermées pour un adolescent, pas encore adulte, pas encore libre d'être juste lui-même. La révolte, l'agressivité, le repli sur soi, le choix d'appartenir à un groupe différent, le suicide ou la résignation. Dam choisit la passivité à l'extérieure et la furie maîtrisée seul, la scarification, comme marque sur soi, contrôle de sa douleur. Contrôle aussi des pressions internes: avec le sang s'écoule les tensions avant explosion.
L'homosexualité est au cœur du propos aussi. L'acte mais surtout ce qu'il implique: cet amour d'un être avant d'être celui d'un sexe. C'est aussi le regard d'autrui: l'homosexualité comme une sensibilité particulière, provoquant presque un respect de la différence, des attentions et des précautions pour des personnes extérieures et habituées aux enfants (enseignants et médecins) et une peur, une intolérance et une colère dans le cercle familial.
L'absence de communication inter-générationnelle couplée à cette découverte d'un autre rapport aux autres, à soi et à ses sentiments, de ce rapport de soutien et de prise de position de la mère de son ami, amène Dam dans ses retranchements. Laisser libre la parole et les sentiments ou se canaliser et pleurer. "Des fois j'étais mal à en crever, sans raison, mais j'avais pas envie que ça s'arrête, comment t'expliques ça? Si ça s'arrêtait, c'était le vide, et le vide ça me foutait la trouille pire que tout. J'attendais de cumuler pour que je finisse par pleurer (en cachette, j'avais compris) et que ça me soulage un peu. C'était comme si pleurer ça me consolait."
Il est à bout, peu de personne l'écoute. "Je ne me sens pas capable d'assumer la vie."
L'histoire a deux fins, cela pourrait déstabiliser mais l'idée est belle. Loin de proposer un happy end et une fin brutale c'est surtout le moment où tout diffère qui est intéressant: comme quoi le pire effectué, ce n'est peut-être justement pas le pire.


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