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"Les amants du Spoutnik" de Haruki Murakami

Publié le 04 octobre 2011 par Paulo Lobo
Ah ils nous prennent pour des imbéciles, des cibles faciles à atteindre, à coup de calculs et d'adresse. Nous sommes leur plat favori, savoureux et riche en calories. Grâce à nous, grâce à nos états de dépendance, ils grandissent encore et encore, ils se goinfrent... Je sais, tout ça n'a rien à voir avec le livre dont je veux vous parler, mais il fallait que ça sorte, il fallait que ça claque, et j'ai saisi l'occasion au vol. Mais revenons au sujet visé par le titre, 'Les amants du Spoutnik' de Haruki Murakami. Une énigme à trois personnages, un trio d'amoureux égarés et frustrés, la passion des livres, la fascination des chats, un voyage erratique et mythologique en Grèce, l'irruption du rêve et du fantastique, tous ces thèmes habituels de l'auteur sont de nouveau convoqués. L'histoire est mince: ils s'aiment les uns les autres, mais tout va à sens unique, l'amour n'est pas réciproque et se confond avec l'amitié, il a un goût d'inaccompli, de non-dit, il est question de désirs qui se cherchent mais qui ne se trouvent pas, il est question de solitude aussi, le tout enrobé dans un vague sentiment de mélancolie.
Murakami écrit simplement, avec des phrases courtes et nettes. Petit à petit, il introduit dans ses pages une sensation de mal-être, un vide existentiel et une quête acharnée de spiritualité. On lit bien et vite, Murakami sait entretenir un suspense constant, en distillant chez le lecteur à chaque instant comme un pressentiment de rebondissement imminent. Rebondissement qui finit par survenir, mais qui n'est jamais aussi spectaculaire que ce que les phrases laissaient croire. Murakami compose son roman comme s'il s'agissait d'un thriller, mais le crime n'est jamais réel, jamais visible, jamais explicite. J'aime bien cet aspect de l'écriture de Murakami. Le mystère et l'étrangeté dont il enveloppe le quotidien, la narration à la fois réaliste et poétique des choses banales de la vie, des rencontres et des conversations, des matins qui se lèvent et des soirs qui se couchent. J'aime moins quand il propulse le récit dans les sentiers du surnaturel et de la métaphysique. Là, j'avoue que je décroche et je finis par m'ennuyer. Je trouve que c'est dommage de faire éclater les personnages et leur spleen dans une sorte de fatras cosmique plutôt niais. Ces échappées irréelles- qui sont très graphiques, je le concède, on a l'impression de voir un dessin animé de Miyazaki - m'inspirent un autre type de commentaire, surtout parce qu'on les retrouve dans d'autres livres de l'auteur, par exemple dans "Kafka sur le rivage": surgit en moi une trop forte conscience de l'effet, de l'artifice, de la recette, au détriment de la profondeur psychologique des personnages ou du subtil effeuilage du quotidien. Je ne suis pas sûr, l'univers de Murakami est probablement ainsi fait de choses et d'autres, de réalisme et d'onirisme, d'Orient et d'Occident, de lumière et de désespoir, mais dans le cas des Amants, il y a quelque chose dans le fil de ma lecture qui a sonné faux... J'ai peut-être pris les 'mauvais' livres de Murakami comme point de départ, mais le fait est que je n'ai plus vraiment envie de continuer. Je crois que je  vais revenir, pour l'instant,  à David Goodis et Philipp Roth.

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