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Hendrik Witbooi : Votre paix sera la mort de ma nation

Par Gangoueus @lareus

Peut-être que je me trompe, maisil me semble que l’on a très peu de témoignages écrits de guerriers, derésistants africains à l’invasion puis à l’occupation du continent par lestroupes européennes. Les grands faits de la résistance africaine sont passés sous silence faute d’être passé de la tradition orale à une retranscription sur papier. L’histoireest donc contée par les chasseurs, inculquée à des générations d’élèvesafricains qui grandissent en se disant que les traités de paix et de protectoratsignés par des monarques analphabètes ont été la norme, l'unique norme.
Hendrik Witbooi : Votre paix sera la mort de ma nation
Aussi, les lettres de guerre d’Hendrik Witbooi, puissant capitaine de la communauté nama des oorlams (Namaqualand)contre la pénétration allemande dans le Sud-Ouest Africain, future Namibie nousdonne un éclairage intéressant sur la résistance qu’il a opposé aux allemandspendant une quinzaine d’années, jusqu’à sa mort en 1904 sur un champ debataille à 74 ans.
Hendrik Witbooi est le leader dela communauté des oorlams, mélange de peuples rouges s’étant affranchis de l’asservissementdes boers et de voleurs de bétail qui au cours du 19ème siècle vontconstituer un peuple puissant et guerrier de Namibie. C’est une communauté dontles leaders ont été christianisés, comme ce fut le cas d’Hendrik Witbooi,instruit et lettré, qui va avoir une vision messianique de son leadership surles peuples de la région, en particulier des héréros dont il méprise la cultureet l’inhumanité des actions. Alors que Witbooi guerroie avec ses ennemisséculaires, les allemands pointent leur nez sur ce vaste territoire et imposentdes traités de protectorat aux différentes communautés blanches, rouges ounoires de la région. Witbooi qui ne comprend pourquoi il devrait céder sasouveraineté s’oppose à cette démarche, jusqu’à défendre sa posture par lesarmes.
Ce livre est donc un recueil delettres écrites par Witbooi en temps de guerre ou de paix à l’endroit de ses principauxinterlocuteurs, adversaires, alliés, traitres. On y trouve des échanges avec Samuel Maharero, lechef des héréros, avec le médiateur H. Van Wick, des demandes à l’endroit deCecil Rhodes avec lequel il a été en affaire, avec les anglais dont ilcherche le soutien pour obtenir des armes et lutter contre les allemands, et enfinles autorités militaires allemandes incarnées principalement par Carl Bruno VanFrançois, le Capitaine Leutwein.
Ce qui me frappe chez Witbooi, etdans ses échanges extrêmes et racés avec ses interlocuteurs, et que j’ai d’abordmal interprété, c’est son sens politique. Avant d’aller à l’affrontement, iltente de flatter les anglais et de les renvoyer à leurs responsabilités, de lesopposer aux allemands en lui fournissant des armes à lui que ne comprend pas lefondement du partage de Berlin. S’il s’oppose aux héréros au départ, ilrelativise énormément le conflit ancien par rapport au danger d’unecollaboration avec les nouveaux occupants. Je l’ai trouvé parfois bavard, maisfinalement pertinent et j’avoue que la franchise de ces échanges avec leCapitaine Leutwein sont riches d’enseignement quand on veut engager despourparlers en ayant la possibilité de se regarder dans un miroir.
Agacé au départ, je me suis prisau jeu de ces lettres, avant d’être ému par l'un des derniers courriers de cet homme original quine voulait pas abdiquer sa souveraineté pour un sou.
Vous l’aurez compris, jerecommande cette lecture qui, pour les occidentaux, interpellera sur laviolence et la barbarie de la colonisation célébrée par Victor Hugo et pour lesafricains frappera par la clairvoyance rare, trop rare d’un leader qui acompris ce qu’est le prix à payer de la privation de la liberté, de l’identité,de la sécurité d’un peuple.
Bonne lecture et passez nous donner votre avis sur cette lecture.
Hendrik Witbooi, Votre paix sera la mort de ma nationEdition Le Passager clandestin, 174 pages, 1ère parution en 2011
Voir également les chroniques de Raphaël Adjobi sur son blog, de Fiolof dans la Marche aux pages, de la revue web Lectures, sur le site de la Fondation de la poste ou encore sur Des petits riens.Chacune de ces chroniques est dense et elle réflète la qualité de ce témoignage de ce chef du Namaqualand.
Lu dans le cadre de la :
Hendrik Witbooi : Votre paix sera la mort de ma nation Babelio!
  

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