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Prix Constantin : Cyril Mokaiesh en interview

Publié le 09 octobre 2011 par Swann

RockNfool : It’s Only Rock & Folk suit en fil rouge et jusqu’à l’annonce du lauréat du Prix Constantin 2011 Cyril Mokaiesh. Pour vous familiariser un peu avec ce charmant jeune homme, je vous laisse découvrir une première interview, classique, pour faire connaissance en douceur… La suite, plus décalée ce sera pour les prochains jours. Stay Tuned comme on dit.

Peux-tu raconter ton parcours musical au lecteur de RockNfool ?

J’ai commencé la musique à 18 ans. avant, je faisais quelque chose de totalement différent puisque je viens du sport (tennis ndlr). J’ai découvert un peu par miracle que je pouvais écrire des chansons. Je n’étais pas instrumentiste mais j’avais en tête des mélodies et des débuts de textes. J’écrivais un peu au feeling, je me suis rendu compte que ce n’était pas trop naze, et j’ai pris conscience que c’est ça que je voulais faire.  Je me suis entouré d’un ami qui était lui beaucoup plus musicien que moi, et on a commencé à faire nos premières maquettes. On ensuite rencontré un guitariste, et on enregistrait quelques sons. On mélangeait dans le projet la chanson française qui est davantage ma culture musicale au rock à tendance indé, qui était celle de mon guitariste. Il était à fond sur Radiohead et d’ailleurs il m’a donné le virus, Interpol, Arcade Fire, des groupes assez noirs et très éléctrique. Et moi, j’apportais la touche chanson. Petit, j’écoutais de Souchon à Polnareff, Brel, Ferré, Julien Clerc, Barbara, et beaucoup Noir Désir

On vous l’a d’ailleurs beaucoup reproché de ressembler à Noir Désir…

L’influence Noir Désir se ressentait beaucoup, et oui, ça nous a joué des tours…Mais dès que tu mets des guitares électriques et que tu chantes des thèmes au parfum un peu sociaux et engagés avec la voix qui porte, les gens ne peuvent pas s’empêcher de comparer…A la limite, celle-là de comparaison je l’avais pas voler, parce que c’était ma grosse influence. Mais, à un moment ça m’a un peu gêné. Je me dis que je fais de la musique pour avoir ma propre identité. Donc, après notre premier album de rock, je voulais retrouver mes premiers amours pour la chanson. Avoir une énérgie mais sans le combo rock classique batterie/guitare/basse, qui fait tout de suite appel à des références très précises, et qui manque d’originalité.

On en a discuté avec le groupe, et les avis divergeaient. Jan Pham, mon guitariste voulait rester dans un esprit rock pur et dur, sans instruments et musiciens additionnels. Les maquettes pour l’album qui devait suivre étaient bourrés de compromis, ce n’était pas fluide. On a eu l’intelligence de se redonner chacun notre liberté. C’était un peu dur, parce qu’avec ce groupe j’ai partagé mes premiers concerts, on a démarché ensemble les salles à Paris pour se faire remarquer, on a crée ensemble le myspace. On a était un vrai groupe quoi.

Remise en question ?

Je me suis toujours forcé à croire que j’avais une place dans ce métier-là, aussi discrète qu’elle puisse être. S’il y a succès tant mieux. Mais j’ai pas l’impression de ne pas être à ma place dans la famille de la chanson française. J’ai eu envie d’y aller les deux pieds dedans, et me dire ‘ben tiens ma famille, ce serait la chanson française’. Mais, j’avais envie de la rendre moins intimiste contrairement à la mouvance actuelle, où la chanson française est dans le murmure et pas vraiment chantée. Mon pari avec l’album Du Rouge et des Passions, c’était défendre le pari chanteur/interprète qui exulte dans la manière de chanter. A l’inverse des codes actuelles ou se méfie du bon goût. Je ne me suis pas posé ces questions-là. Je voulais sortir mes états d’âme, mes humeurs, mes pensées de manière très instinctives. C’est la part de rock qui est resté.

Ce rapprochement qu’on fait avec Noir Désir, ne serait-ce pas pour essayer de se chercher un nouveau leader rock, puisque le rock français est orphelin ?

On nous a rapproché sans nous donner le rôle de leader. De toute manière, cet album, même si je n’en rougis absolument pas, n’apporte rien…je suis dur avec moi-même mais c’est ça qui ressort des critiques, et qui fait qu’il est resté assez confidentiel. Mais je reste quand même très fier de cet album. Je pense que c’est propre à la culture française : il y a un leader rock qui dure trente ans, et puis il faut que chacun trouve sa place, et ça prend du temps de se créer une place…C’est dur parce que je ne suis ni dans la chanson « variété », ni dans le côté punk à chien types Têtes Raides…

Parlons de ton album Du Rouge et des Passions. Cette fois, tu étais seul pour le composer. Difficile ?

C’était dur oui, parce que je me suis posé pas mal de questions. Je ne savais pas, même artistiquement où est-ce que je voulais aller. J’avais vraiment un super feeling avec mon guitariste à l’époque avec un vrai échange et les arrangement coulaient de sources, et là je me trouvais en guitare/voix à ne pas savoir vraiment ce que j’allais proposer même si les chansons tenaient par elle-même. Mais, j’avais du mal quand je rencontrais des arrangeurs à leur laisser mettre des notes sur ma musique. J’étais plus renfermé, et j’acceptais moins l’échange. Pendant une période j’étais un ours, dans mon coin, et je ne voulais pas qu’on vienne triturer mes chansons. Je crois que je sacraliser un peu trop mon travail. Mais finalement j’ai rencontré Philippe Uminski, qui a vraiment pigé mon univers, il a pris mes guitares/voix et mes pianos/voix, et autour de ça il a construit l’orchestration sans trop casser la gueule aux morceaux.

Prix Constantin : Cyril Mokaiesh en interview
As-tu eu peur qu’il te change totalement tes chansons ?

Au début, c’était un peu ça. Il y avait quelque chose qui le gênait dans mes compositions, il les trouvait un peu fermé, et il me poussait à m’ouvrir. Mais, au bout d’un moment il a compris que c’était pas ce que je voulais et que je tenais à mes compositions. A partir de là, il a trouvé son espace, et pour un arrangement c’est important de savoir ce qu’il doit prendre et ce qu’il doit laisser. Cela a pris quelques semaines, mais finalement ça c’est mis en place tout seul.

La tendance actuelle des jeunes musiciens c’est de chanter en anglais. Ça pourrait t’arriver un jour ?

Je ne suis pas posé la question. Je ne suis pas musicien au départ, je le suis devenu en travaillant, et ce que j’avais c’était la force des mots qui donnait un sens à ce que je faisais. Si on m’enlève les mots, il ne me restait plus grand chose. Il y a des propos qui passent par la musique, la mélodie, d’autres discours qui par contre ont besoin des mots… moi, je crois appartenir à la deuxième tradition.

J’aime les chanteurs qui racontent la vision qu’ils ont des choses qui les entourent avec un point de vue original. Au final, on parle tous des mêmes choses, d’amour, de l’époque, de solitude… C’est seulement le point de vue qui nous différencie.

Communiste a fait un gros buzz, tu t’y attendais ?

Il n’a jamais été question que je prône une appartenance à un parti politique. J’écris des humeurs, un peu vigoureuse par moment mais ça reste un sentiment propre à l’époque : cette solitude qu’on fabrique à longueur de temps à nous faisant croire qu’on tisse des liens avec des gens via internet. Et on le sait tous, on vit dans une société capitaliste et individualiste, je n’enfonce pas des portes ouvertes, mais c’est juste une façon de s’indigner un peu comme le dit Hessel. Ne pas tout accepter, ça maintient l’esprit vif, et moi j’écris un peu sous le coup de la colère, la mélancolie aussi… Mais j’aime bien m’impliquer.

Cette chanson c’est un peu un ovni, dire à 25 ans « je suis communiste » on ne sait pas s’il faut en rire, si je me fous de la gueule du monde, ou si au contraire je suis très sérieux. Dire « je suis communiste » aujourd’hui, ça peut finir par devenir branché.

Est-ce que certains t’ont pris au pied de la lettre avec cette chanson ?

Oui, mais ça fait parti du jeu. A moins d’écrire René la Taupe où il n’y a pas de dilemme, il y a toujours moyen d’imaginer ce qu’on veut dans une chanson. C’est aussi le principe de la poésie, de laisser court à l’imagination de celui qui l’écoute ou qui la lit. On laisse le moyen de faire son monde…mais bon, faut pas exagérer non plus, on ne fera pas de l’analyse de texte sur du Mokaiesh ! Mais, c’est vrai que « Communiste » a fait naitre beaucoup de réactions, virulente, certains l’ont prise très à cœur. Sur scène, parfois des gens rigolent sur certains passages.

Deux visages ressortent de cet album : un Mokaiesh romantique, et un Mokaiesh révolté…lequel es-tu vraiment ?

Je suis un peu les deux…Et puis aujourd’hui je me suis assumée beaucoup plus romantique dans cet album. Dans l’album précédent, qui était du rock, je pensais qu’il fallait toujours être très noir. Là, j’ai voulu qu’il y ait plus de relief, de poigne, de choses cinglantes et mais aussi plus fluides, plus coulés, et pas toujours en force. Parfois je laisse glisser les choses, et ça donne des titres comme le « Sens du Manège », où je revendique un peu mon côté fleur bleue, et ce n’est pas certainement pas aux antipodes de ce que je suis. C’est juste qu’avant je n’avais pas la capacité à l’assumer…

Les gens, sachez par ailleurs que Cyril est en tournée actuellement, et qu’il sera au Nouveau Casino de Paris le 14 novembre… T’inquiètes pas, je t’en reparles en temps voulu, mais sois gentil, note déjà la date !

Un Grand Merci à Marie et Bertrand.


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