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« Ne pas railler, ne pas pleurer, ne pas détester, mais comprendre », Spinoza

Par Bgn9000

André Comte-Sponville, page 73, 74 et 75 de la transcription des questions / réponses du « Bonheur, désespérément », s’enflamme suite à deux questions d’une demoiselle qui le pique au vif alors qu’il avait dépassé le cadre de sa fonction de professeur dans un élan de prospective quasi romanesque : « Est-ce que cela signifie qu’on doit prendre le monde tel qu’il est et qu’on doit s’en accommoder ?… Vous rendez hommage à Spinoza mais vous tronquez sa définition… ». Mettez-vous à la place du professeur de Philosophie qui n’a pas cessé de parler de volonté et d’action ! L’intervention de la demoiselle n’est guère pertinente si ce n’est qu’elle fait office consciemment ou pas de processus maïeutique comme aimait le pratiquer Socrate. Du coup, André Comte-Sponville, dans un réflexe de justification, nous livre quelques pépites au-delà du cadre de ses écrits, de ses textes officiels. La première pépite, c’est l’importance de la confiance où l’amour de soi et, pour ceux qui peinent dans ce domaine, je vous rappelle les enseignements de Thay sur le non soi, sur l’interêtre, qui allie tout notre héritage et le monde qui nous entoure : « Si j’ai souvent tendance, oralement, à supprimer cette référence à une cause extérieure, c’est pour laisser sa place à l’amour de soi, ou à ce que Spinoza appelle le ‘contentement de soi’, qu’il définit comme ‘une joie née de ce que l’homme se considère lui-même et sa puissance d’agir’ ». La puissance d’agir telle est la clef du bonheur. Et comme toute clef qui se respecte, elle est souvent à notre portée, mais il est difficile s’y mettre la main dessus. Par contre, un bon état d’esprit est un prérequis. Je suis dans cet état d’esprit qui conforte mes actes, c’est-à-dire mon présent, et qui construit ma vie, c’est-à-dire mon passé, dans une perspective, c’est-à-dire mon futur, où ma volonté à sa place puisqu’elle se traduit depuis toujours en acte. D’ailleurs, la seconde pépite est justement l’une des activités d’André Comte-Sponville, la politique, mais surtout en acte et moins en parole, son passé de militant :  « Vous savez, j’ai fait beaucoup de politique… Pendant ces années où je collais des affiches, où je faisais du porte-à-porte, etc. », page 75. Et comme il est lancé sur le sujet de l’action, André Comte-Sponville va nous donner un exemple d’individus qui ont la même volonté, la même espérance, mais pas la même puissance d’agir. On ne rappellera jamais assez que la volonté n’est rien sans les actes qui s’ensuivent, comme les paroles ne sont rien sans les écrits. Si vous avez la volonté de vivre le bonheur, alors il faut vous lever le matin et continuer à agir toute la journée. André Comte-Sponville nous rapporte une sympathique discorde dans les rangs des partis politiques : « Les militants ont un mot charmant pour désigner ces gens-là, ces gens qui ont la même espérance qu’eux mais qui n’agissent pas, parce qu’ils n’ont pas la même volonté qu’eux. Ils les appellent des sympathisants… c’est quelqu’un qui espère la victoire, comme vous, cela ne mange pas de pain, mais qui renonce à faire ce qui dépend de lui pour s’en rapprocher. Alors qu’un militant, c’est celui qui agit. Ce n’est pas l’espérance qui les différencie…, mais la volonté, mais l’action ». On peut gentiment lui rétorquer que cette période militantiste a eu ses heures de gloire, mais a perdu de sa vigueur avec les désillusions que notre monde globalisé, soumis aux crises internationales à répétition, à générer dans le cœur des plus valeureux. Quelque part, pour faire l’avocat du diable, la position en retrait du sympathisant pour les choses de la politique vaut mieux que les bagarres de rue pour des affiches électorales de candidats vides de puissance. Je constate toutefois qu’André Comte-Sponville retrouve dans l’intervention de la demoiselle une confrontation entre le positionnement intellectuel militant et sympathisant. Ce qui fait resurgir cette époque de sa vie. Je pense être du côté des militants en agissant avec mes notes et, qui sait, plus tard, si l’opportunité se présente d’aller plus loin, dans cette vie ou dans une autre.

Il en profite ainsi pour préciser sa position que je partage complètement : « Qu’est-ce qu’on fait? Il ne s’agit pas de ne rien changer, comme vous semblez le craindre, mais au contraire d’accepter tout ce qui ne dépend pas de vous, il le faut bien, pour changer tout ce qui en  dépend ». J’ai deux devises complémentaires : nous ne sommes victimes que de nous-mêmes et nous ne pouvons pas changer le monde. Bien sûr, mon souhait est de changer le monde, toutefois je suis réaliste et je sais que mon rayon d’action est limité. Un idéaliste sans réalisme n’est qu’un rêveur (prochainement Confucius). Ma première devise me rappelle que je suis responsable de ce qui m’arrive si j’y pouvais quelque chose d’après ma seconde devise. Maintenant, il faut aussi savoir être honnête, envers soi-même au minimum. Là aussi, nous savons bien que le fantasme édulcore notre vie (Alain Robbe-Grillet) mais nous faisons notre possible pour garder un pied dans la réalité, pour appréhender au mieux ce qui nous touche et c’est le sens que je souhaite donner en écho de fin aux propos de Spinoza :  Apprendre à comprendre plutôt que se battre au final contre nous-mêmes.


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