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L'après-Bouteflika, c'est quoi ?

Publié le 14 octobre 2011 par Amroune Layachi

L'après-Bouteflika, c'est quoi ? par Abdou B.

«Toujours le chef est seul en face du mauvais destin». De Gaulle
L'Algérie serait grosse de deux scenarii selon les évolutions du pays. Le premier n'est pas souhaité par les populations qui portent les stigmates de la décennie rouge sang. Le prix versé inciterait à des consensus, à un volontarisme politique et à développer un projet de société qui mettrait le holà aux velléités salafistes et à l'activisme dans la société de courants intégristes, rentiers, et qui entendent reconduire un statu quo mortel. Dans le respect de la Constitution, des lois et de toutes les libertés, y compris celles du culte, de l'information et de l'activité politique pacifique.
Le second serait un retour dans la paix et la négociation franche à l'essence des réformes initiées il y a deux décennies, dans des conditions internes et financières très difficiles. Et à ce niveau, il y a lieu de rafraîchir des mémoires sélectives dans la déficience et la volonté de faire oublier des réels lourdement vécus. La pression des institutions financières internationales, le délitement de l'Etat pris en otage par l'intégrisme local, l'indifférence sinon la complicité de la « oumma », une police politique restée dans l'esprit de la Stasi, une bureaucratie ravageuse, l'étouffement de toutes les libertés caractérisaient le début des années 90. Une histoire chaude qui reste à faire sereinement.
Le scénario catastrophe serait la continuité d'un système assis sur la rente pétrolière, une démocratie de façade, un pluralisme affairiste dominé par l'informel dans les activités commerciales, politiques, religieuses, qui font la part belle aux importations alimentaires, à une gestion surréaliste des IDE, de l'économie productive, au découpage politicien des syndicats et en l'absence d'une politique audacieuse de l'économie fondée sur le savoir, vers les technologies nouvelles qui n'ont aucune chance avec toutes les censures sous-développées qui entrent en transe avec la publication d'un simple livre qui serait désobligeant envers telle ou telle institution.
Les pays émergents (B.R.I.C.) et ceux qui cumulent les prix Nobel, les brevets, des dizaines de TV, des centaines d'associations autonomes, une société civile contestataire et intelligente avec laquelle les grands de ce monde vivent en parfaite harmonie dans le débat contradictoire parce qu'elle est une richesse inestimable et un contrepouvoir qui enrichit les gouvernances et les sociétés où il fait bon vivre, capitalisent toutes les oppositions. Ces contrées sont rêvées, fantasmées par la jeunesse des pays arabes et africains, reçoivent le gros d'émigrés clandestins, désespérés et suicidaires. A-t-on entendu parler d'un Européen qui met sa vie en jeu pour rejoindre un quelconque pays africain ou arabe ? La question mérite d'être discutée par des « élus » bien payés, gras et surtout fainéants et incompétents.
Entre les deux scénarii, les patriotes qui ne se revendiquent ni de l'histoire ni de la religion musulmane (qui est venue pour toute l'humanité), en dehors des circuits partisans dont la faillite est indiscutable, ont des choix à faire de toute urgence, sans coquetterie stupide. Comment se défaire de l'extrémisme du T.V.M. (tout va mal) et de l'esprit courtisan psalmodié au rythme du T.V.B. (tout va bien), qui ne trompe personne lorsqu'on a écouté le pays profond durant le périple du Conseil national économique et social (CNES), loin des microcosmes aliénés par la promiscuité des appareils et des sectes algérois ? Pour les choix à faire, il y a des réalités incontournables qui pèsent sur le pouvoir, l'opposition et la société entière. La nostalgie prégnante du parti unique, qui a définitivement perdu le label de la légitimité historique en fonction de la moyenne d'âge nationale et parce qu'il est représenté par une alliance à trois têtes foncièrement contradictoires, obnubilées par les quotas respectifs au Parlement et travaillées par des échéances proches et dangereuses, n'est plus opératoire. En face et contre, il y a la société qui bouge, une jeunesse branchée sur le net, explosive, inventive et un environnement continental et international qui évolue chaque jour.
Dans une forêt de contradictions majeures, dangereuses, M. Bouteflika apparaît comme le dernier refuge, l'arbitre ultime pour des populations coupées des partis, du pouvoir et qui détestent l'administration retranchée dans le bunker des photocopies légalisées, les budgets des APC et des APW qui échappent aux « élus » pour leur exécution et par la fonction administrative approximative de n'importe quel acte directement adressé aux citoyens. L'Etat apparaît fragile, craintif à la moindre émeute et surtout soucieux de maintenir un système obsolète en l'état. Tout et son contraire a été dit, écrit sur la politique du premier magistrat. Sauf l'alternance programmative. La gestion de M. Bouteflika sera faite par les historiens, les experts algériens et étrangers, en dehors des sectes partisanes et des appareils officiels qui se sont accommodés de plusieurs présidents. Le sceau scientifique sera apposé un jour sur l'histoire du pays sous le règne de M. Bouteflika.
Pour ceux qui ont suivi peu ou prou la concertation menée par le CNES, à partir d'une saisine présidentielle, à travers les différents secteurs représentés et une écoute non partisane ou idéologique, les réalités nationales sont porteuses de toutes les ruptures, dans un sens ou dans l'autre, qui méritent des lectures non sélectives et surtout aux antipodes du TVB et du TVM. Et ne pas rendre compte des souffrances algériennes, que le média soit public ou privé, renvoie à des thèses que les citoyens ne veulent pas. L'après-Bouteflika est à ce jour inexploré de manière rigoureuse par le pouvoir et les oppositions éclatées publiquement en direction des populations. Et il y aura bien un après-Bouteflika un jour ou l'autre.
Les mandats du premier magistrat ne peuvent être analysés correctement, de façon non courtisane, non partisane, qu'à l'aune constitutive de la décennie rouge, du rôle joué par des chefs militaires, de civils sous influence, y compris étrangère, qui avaient pris toutes les précautions pour être à l'abri, avec armes et bagages, famille et prébendes, et par l'ex-FIS qui était persuadé (pour ceux qui ont eu à subir ses outrances dans l'exercice de leur fonction) que le pouvoir était au bout de fetwas bricolées et politisées à la va-vite.
M. Bouteflika, avec de grosses erreurs de casting, a conquis « le quart manquant » et cette conquête n'a de sens que mise en perspective avec les terribles dégâts dans toutes les institutions, dans les corps intermédiaires, dans les familles, au cœur de la société. Ceux qui ont vécu la tragédie au quotidien mériteraient d'être écoutés. La décennie, managée par des forces qui se moquaient de l'intérêt du pays, de son avenir, qui étaient rivées à des intérêts financiers algériens et étrangers, a débouché sur les crises vécues aujourd'hui.
Une jeunesse formidable, comme celle qui combat dans tous les pays développés, veut participer à 100% à la construction démocratique de l'Algérie. Vouloir la stériliser dans les conflits, rendus publics, d'appareils à l'intérieur de la majorité et limiter son horizon au tout va mal (TVM), ou au tout va bien (TVB), est criminel. L'Algérie étant le produit d'une histoire anticoloniale, d'une indépendance prostituée et du règne d'un parti unique qui a échoué sur toute la planète, mérite à coup sûr d'être le phare pour le continent.
Que les partis « au pouvoir », les opposants et les véritables républicains démocrates disent aux Algériens et au monde quel est leur projet pour l'après-Bouteflika. Est-ce trop demander ? Le premier magistrat n'est pas éternel, les chefs de la majorité et des oppositions non plus. Alors quid de l'Algérie en 2018-2030 ? Que la majorité atomisée et l'opposition éclatée le disent au peuple, sans arrogance ni démagogie stérile.

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