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Multifiche de lecture : des livres drôles (sélection non exhaustive)

Publié le 15 octobre 2011 par Francisbf

Les livres, c'est chouette. Enfin, globalement, dans le principe, je veux dire. Parce qu'en fait, il y a plusieurs sortes de livres. Par exemple, il y a les livres nuls, et les livres bien. Les livres nuls sont faciles à repérer : généralement, on voit la tête de leur auteur dans le métro. Pour les livres bien, c'est plus compliqué. D'autant qu'il y a plusieurs sortes de livres bien. Il y a les livres bien qu'on aime bien lire un soir d'hiver au coin du feu, et les livres bien qu'on aime bien lire dans le métro. Il y a les livres bien qui se passent au temps des chasseurs de mammouths, et les livres bien qui se passent au temps des vaisseaux spatiaux et des pistolasers qui font piuuu piuuuu. Il y a les livres bien qui font réfléchir, et il y a les livres bien qui font pleurer (dans le cœur, sauf si vous êtes une fille), et, catégorie plus rare, il y a les livres bien qui font rire.
C'est de ces livres que nous allons parler aujourd'hui, pour changer un peu. Parce que ce n'est pas facile à trouver, des livres qui font rire pour de vrai. Il y a des bouquins qui ont des passages marrants, comme Tom Bombadil dans le Seigneur des Anneaux, mais ce n'est pas pour ça que ce sont des livres drôles. En ce qui me concerne, j'ai eu le bol d'en trouver quelques-uns. Et comme j'aime bien disséminer mon bonheur comme si c'était de la semence d'huître et que j'étais une huître, voilà, pour vous, rien que pour vous, une liste de livres qui m'ont fait rire, et ce n'est pas courant. Vous avez bien sûr le droit de ne pas être d'accord. Tous les goûts sont dans la nature. Mais comme je suis TRES susceptible où mes bouquins préférés sont concernés, si vous ne les aimez pas, ne le dites pas, d'accord ?
Allons-y.
Il y a plusieurs sortes de livres sur l'apocalypse : ceux où on se dit « hou mon dieu, pourvu que les héros arrêtent le seigneur des ténèbres avant qu'il ne provoque l'apocalypse sur terre », et il y a De Bons Présages, de Neil Gaiman et Terry Pratchett. Là, ce n'est pas de l'apocalypse pourrie sur un monde plein d'elfes et de gobelins poisseux, c'est chez nous, c'est comme la Bible l'annonce, sauf qu'à sa naissance, l'Antéchrist est échangé par des sœurs satanistes maladroites, et il se retrouve élevé loin des démons et des anges censés le surveiller, dans la campagne anglaise, tout à fait inconscient de la tâche qui lui incombe. On a, en plus d'un pitch terrib', un casting qui déchire, avec un ange et un démon peu en accord avec leur hiérarchie, une armée de deux chasseurs de sorcières, une Catin de Babylone, un Molosse de l'enfer dénommé Toutou et des Motards de l'Apocalypse. Du tout bon.
Il y plusieurs sortes de romans de voyages : il y a ceux qui narrent une aventure humaine à la portée philosophique profonde, et il y a ceux de Bill Bryson. Pour n'en citer qu'un, sinon on est pas sortis de l'auberge, Motel Blues décrit son périple en bagnole dans l'Amérique profonde, un peu bouseuse et riche en petites villes et monuments absolument sans intérêt, auxquels Bryson sait (j'ai pas compris comment) donner une touche absolument fantastique. Avec en prime des vrais morceaux d'autobiographie pleine d'autodérision, que du tout bon.
Il y a plusieurs sortes de héros de romans qui viennent du froid. Il y a les flics taciturnes qui enquêtent sur des cadavres échoués sur les plages, et les lesbiennes tatouées hackers violées vengeuses qui partent trucider des méchants au pistolet à clous dans une ambiance glauque. Et il y a les pasteurs amateurs de lancer de javelot ascensionnel, qui quittent le foyer familial avec leur ours à peu près domestique nommé Belzéb (une aventure peu platonique avec une biologiste venue étudier la tanière artificielle de la bestiole n'y est pas pour rien) pour partir à l'aventure un peu au hasard, de la Russie à Malte, comme dans Le Bestial Serviteur du Pasteur Huuskonen d'Arto Paasilinna. Il y a aussi les trappeurs un peu alcooliques qui élèvent à cinq, avec l'aide d'une vieille Esquimaude, un gamin dont ils sont tous le père potentiel, et avec qui les aventures s'enchaînent, entre les attaques de loups, l'arrivée terrifiante d'un prêtre ou celle, beaucoup plus joyeuse, d'une petite culotte dans la Maison de mes Pères, de Jorn Riel (je remercie au passage Charles de me l'avoir fait découvrir). C'est drôle et tendre comme une Rue de la Sardine au Groenland (ne pas oublier Rue de la Sardine).
Il y a plusieurs sortes de livres sur l'Inquisition. Il y a ceux qui font frissonner et se dire bon sang, ces gens-là ne sont pas humains. Et puis il y a la Calamiteuse Progéniture du cardinal Guzman, religieux sud-américain dans un pays dont le président tente de régler la dette nationale par la magie sexuelle viking, qui envoie sans trop le vouloir une tripotée de tueurs semer la panique dans le pays, jusqu'à ce qu'ils arrivent à Cochadebajo de los Gatos, où les putes servent d'armes biologiques et où les guerilleros marxistes côtoient les sorciers indiens, les fantômes, les conquistadors ressuscités et les chats géants amateurs de chocolat.
Il y a plusieurs sortes de livres de science-fiction humoristiques, ceux de Sheckley et les autres. Sheckley, c'est des types qui ne se retrouvent plus dans leur société, qui vont chercher l'Utopie sur Tranaï et trouver qu'elle est plus dangereuse que ce qu'ils croyaient, des décontaminateurs planétaires qui vont affronter les monstres de leur enfance et redécouvrir la puissance du pistolet à eau, des aspirateurs qui tombent amoureux, ou des schizophrènes qui partent à la recherche de leurs autres personnalités insérées dans des droïdes sur des planètes lointaines.
Il y a plusieurs sortes de livres dont l'héroïne est une vieille dame décrite par son petit-fils comme « un sac baveux de chair en décomposition », qui arbore une petite barbiche, dont la meilleure amie envoie des lettres à des inconnues en déduisant de leur nom de famille qu'ils doivent être collectionneurs de champignons (et sûrement pas de panier d'osier), et qui se retrouvent dans une maison de retraite où se trament de drôles d'histoires pas nettes, avec en arrière-plan une abbesse espagnole qui a une meilleure idée que les Evangiles sur le rôle de Marie-Madeleine. Ha non, il n'y en a qu'un, et c'est le Cornet Acoustique, petit bijou déjanté, raconté à la première personne par cette charmante vieille à moitié sénile.
Il y a plusieurs sortes d'auvergnats : ceux dont on se dit qu'un seul, c'est déjà un de trop, Brice Hortefeux, au hasard, et d'autres dont on se dit bon sang, en se frappant la poitrine, pourquoi faut-il qu'il n'y en ait qu'un, comme Alexandre Vialatte, pas du tout au hasard. Ses chroniques, publiées dans le journal la Montagne, sont des petits bijoux d'humour à la langue ciselée, que c'en est un des seuls auteurs, avec Gotlib, dont je pleure en les lisant en me disant que jamais je pourrais ne serait-ce que m'approcher à douze années-lumière tellement que c'est bien écrit. En plus, lors de ses passages du coq à l'âne, il n'omet pas de faire un petit détour par l'oryctérope, dans ses chroniques, et je pourrais dire que c'est une des raisons qui me le font aimer, mais ce serait faux, parce qu'en fait, j'aime l'oryctérope à cause de Vialatte. Lisez ses chroniques, vous en ressortirez tout guillerets et avec plus d'étoiles dans les yeux qu'au retour du défilé de Victoria's Secret (non contractuel).
Il y a plein de sortes d'histoires d'amour. Mais y'en a-t-il tant que ça où l'héroïne est la fille d'un couple de vieux fermiers, est super belle (elle écrase toute la concurrence, c'est bien expliqué), est convoitée par un prince alors qu'elle aime un palefrenier qui s'en va chercher fortune et meurt tué par un pirate, et qui se fait enlever par un sicilien diabolique, le meilleur escrimeur du monde (un espagnol alcoolique qui recherche un homme à six doigts) et l'homme le plus fort du monde (un turc benêt qui adore faire des rimes) ? Y'en a-t-il beaucoup avec des RTI (Rongeurs de Taille Inhabituelle) ? Où l'auteur explique qu'en fait, il n'est pas l'auteur, il s'est contenté de garder les passages intéressants d'un roman médiéval (renaissance ? Pas facile à dire), et intervient de temps en temps pour rassurer le lecteur sur le sort des personnages, ou au contraire leur dire que la vie est dure, c'est pour ça qu'il va se passer quelque chose d'horrible, mais c'est pas grave, enfin si, mais c'est la vie, quoi) ? Non, il n'y a que Princess Bride, de William Goldman.
Bon, j'avais prévu de parler aussi des nouvelles cruelles de Saki, une des références de Roald Dahl, des uchronies barrées de Jasper Fforde  mélangeant SF, polar, fantasy, où l'héroïne se retrouve dans le monde des livres à communiquer avec ses collègues de    la Jurifiction par l'intermédiaire de notes de bas de page, du charmant Orgueil et Préjugés et Zombies (où Orgueil et Préjugés se voit rajouter des passages de baston de zombies par des sœurs Bennett entraînées par des moines Shaolin, de l'épopée absurde  d'un ET paumé dans Barcelone (Sans Nouvelles de Gurb), et des innombrables annales du Disque-Monde de Pratchett, mais vous lisez déjà plus, si ?
Allez, si vous en avez d'autres, n'hésitez pas.


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