[Critique] EN SECRET (Circumstance) de Maryam Keshavarz

Aujourd’hui, le cinéma iranien est le terrain de la liberté d’expression et de la dénonciation. Une voix qui s’élève. Qui s’insurge. Que l’on entend. De Mohammad Rasoulof (Au Revoir) à Asghar Farhadi (Une séparation), les cinéastes sortent du silence, dénoncent l’étouffante société iranienne, l’absence de liberté, la réalité d’un régime qui nie l’individu. Maryam Keshavarz, elle, jeune réalisatrice née en Iran mais vivant aux Etats-Unis, va encore plus loin dans le subversif, et ose évoquer sans tabou la jeunesse iranienne au travers d’un triangle amoureux : Atafeh (Nikohl Boosheri), Shireen (Sarah Kazemy), et Mehran (Reza Sixo Safai). Une sœur et un frère qui se disputent la belle Shireen, dans un Téhéran répressif où l’on se cache pour faire la fête, ou pour doubler des films américains. Hantées par des visions fantasmées d’une Amérique terre d’émancipation, les deux jeunes femmes se rêvent autres, sur du Bonnie Tyler ou dans des visions érotico-cheap d’une romance lesbienne qu’elles pourraient assumer, envisager.
La figure masculine, au centre, qui les sépare, représente à elle seule toute la société iranienne, renvoie à la rigueur imposée par la pratique religieuse, à la toute puissance offerte aux hommes, à l’intolérance, le cloisonnement, la surveillance constante des individus (cf. ces caméras qu’il dispose dans toute la maison). Keshavarz mène son film comme un combat : avec beaucoup d’énergie, de souffle lyrique, de naïveté aussi. Car elle épouse constamment le point de vue des deux amoureuses : deux mains qui s’effleurent, des regards comme seules promesses possibles, des amours pleines d’espoir. Au final, le film abandonne la violence (latente) pour se concentrer sur le positif : se délivrer de ses chaînes, dire, vivre, aimer. Le message, derrière l’emballage très adolescent, n’en est pas pour autant édulcoré. Derrière la bluette entre filles, il y a une vraie lutte politique. L’essentiel est dit. Le résultat est, lui, un modèle d’audace et de courage.

Sortie Cinéma : 1 février 2012