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Moody's menace

Par Alaindependant

L'agence de notation Moody's menace. Gare à la France qui, si elle ne marche pas droit dans les clous de la rigueur maastrichitienne et de la morne orthodoxie budgétaire, risque de se voir punie. On rêve !

Et nos fondés de pouvoir du capital que sont selon Marx - et ainsi que le rappelle Alain Badiou dans son dernier livre Le réveil de l'histoire - les membres du personnel politique du capitalo-parlementarisme, ces fondés de pouvoir, donc, hochent la tête comme un mauvais élève attrapé en flagrant délit et jurent de remettre le pays - la France - sur les bons rails.

Personne ou presque ne trouve à redire. Les Primaires PS ne valent rien à côté des pères fouettards de l'agence Moody's. On croit voter pour des députés et/ou un Président et on est recadré par les vautours du profit d'une agence de notation.

L'agence Moody's est loin. Elle est de l'autre côté de l'Atlantique. Il suffit pourtant qu'elle gronde, qu'elle vocifère (remarquez : la "grogne" est un terme réservé aux grévistes et aux feignasses - qui sont souvent les mêmes, n'est-ce pas ? - de la Fonction publique) pour que nos pusillanimes qui se pensent l'élite de la nation et la raison politique même s'exécutent. Sur ce point, du reste, Hollande et Sarkozy, même combat ! Nous réduiront la dette, braillent-ils unanimes. Nous serons dociles et obéissants.

A l'inverse, la France d'aujourd'hui est, comme tout pays moderne développé, constituée de gens de partout. Ils sont ici, ils sont d'ici. C'est après tout l'envers de l'impérialisme et des guerres coloniales d'antan que d'être désormais un pays-monde avec, notamment, ses banlieues monde. Il est du reste toujours comique de penser que les pauvres sont absolument exclus de la mondialisation puisque l'on rencontre bien plus la totalité et la variété du monde réel dans les cités populaires de la Seine-Saint-Denis que dans les salons cossus des vautours capitalistes.

Les gens venus de partout travaillent pour la plupart et d'ailleurs, ce sont surtout celles et ceux qui travaillent que l'Etat - qu'il soit PS ou UMP - attaque et persécute. Nul ne souhaite en ce pays la chasse aux Néerlandais ou aux Américains mais il est indéniable qu'il ne viendrait à personne de les qualifier d'immigrés alors que ceux-ci, après tout, ne se fadent pas le goudron chaud sur la route et dans les voies respiratoires, le bruit du marteau piqueur ou la construction du Stade de France... 

C'est pourtant le prolétariat d'origine étrangère qui est la cible de l'Etat. C'est à ces gens-là, aux vies déjà rudes, que s'en prennent Chevènement, Guéant, Besson, Hortefeux et Sarkozy. Qu'ont-ils fait pourtant, sinon des tâches ardues dont personne ne veut vraiment s'acquitter ? N'ont-ils pas, bien plus que les oisifs des beaux-quartiers, contribué au rang économique et social de la France ? Et pourtant, ils sont sans cesse sous la menace d'une arrestation et d'une expulsion s'ils sont sans-papiers.

D'un côté, donc, on a Moody's, agence obscure d'outre-Atlantique, qui fait son beurre en spéculant sur la faillite de continents entiers et de l'autre, on a des gens "réels", pas forcément "français" mais indéniablement d'ici. Devant la première, nos politiciens s'écrasent piteusement ; devant les seconds, ils montrent les dents, manient la matraque et réquisitionnent des charters. Cette veulerie doublée d'un déni du réel et des situations réelles est inacceptable car abjecte. Toute conscience du côté de l'émancipation doit combattre cela. Les gens ici sont d'ici et le pays n'existe pas sans eux. Les firmes internationales doivent au contraire être méprisées par les états souverains.

Cette opposition entre l'acharnement contre les faibles et la soumission aux caprices des agences de notation rappelle que dans toute l'histoire de France, les patriotes n'ont jamais été ceux qu'on croit. L'exemple le plus frappant est celui de Pétain et Vichy : surenchère de discours sur la vraie France, persécution des juifs, des "métèques" et autres "indigènes"... Et caractère fondamentalement fantoche du régime puisque non seulement à la solde de l'ennemi mais, même, devançant ses éventuelles demandes (cf. la rafle du Vel-d'Hiv'). A l'inverse, les résistants de l'Affiche rouge, s'il est incontestable qu'ils étaient LA France, n'étaient pas Français (ils valaient mieux que ça...). D'autres exemples existent : il n'est qu'à penser au retour de Louis XVIII en 1815 "dans les fourgons de l'étranger".

La pusillanimité du personnel parlementaire face aux agences de notations et sa férocité contre le prolétariat étranger et/ou la jeunesse - souvent de provenance étrangère - des cités populaires  montrent ce qu'il en est au fond du racisme d'Etat. La manoeuvre est grossière : elle n'a pour objet exclusif que la division d'un peuple qui, uni, rebattrait totalement les cartes de la politique dans ce pays. La dignité consciente des pauvres et des humbles est à craindre pour tous les réactionnaires inquiets devant Moody's. Si ceux-ci se mettent à craindre la fureur de l'unité politique populaire, nous pourrions connaître des jours autrement plus clairs.

 Yvan Najiels
sur son blogue de Mediapart Mille communismes


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