Magazine Asie

La Horde du contre-vent : roman de rage et courage

Par Kaeru @Kaeru
Une langue de terre ravagée par les vents. A l'aval, au calme :des hommes, une structure sociale, des villes, une civilisation. Al'amont, les contrées sont balayées pas des vents de plus en plusdévastateurs à mesure que l'on s'éloigne de la tranquillitébienveillante des lieux de l'aval. Ils deviennent si fort qu'ilspeuvent raser des maisons, raser toutes traces d'implantationhumaine. Un groupe d'hommes, une horde soudée tel un bloc arpente cemonde hostile pour percer le mystère de la source du vent, àl'extrême-amont.
Immersion en zone de tempête
La Horde du contre-vent : roman de rage et courageRoman épique et haletant, La horde du contreventest l'oeuvre magistrale d'un auteur français au talent rare, AlainDamasio. Depuis longtemps, je n'avais pas lu un tel bouquin defantasy si puissant, si féroce. La horde du contrevent estaussi un livre exclusif. Il demande un peu de courage pour s'attaquerà sa falaise raide de 700 pages et son alternance de points de vueentre 23 personnages.
Moi qui jongle toujours avec au moins trois ouquatre bouquins en cours, j'ai dû tout mettre en pause pour meconsacrer uniquement à la lecture de la Horde.
Les débuts ont été laborieux : l'auteur a choisit depaginer à rebours son ouvrage et de signifier l'alternance de pointsde vue par des signes typographiques au lieu des noms. Si cettegymnastique m'a agacée – j'ai trouvé le choix pédant etvolontairement compliqué – rapidement pourtant je me suis faitehappée, aspirée dans ce monde où l'environnement impitoyablemodèle les hommes dans leur chaire, endurcit leur caractère et leurvolonté.
Je vous conseille vraiment d'attaquer la lecture avec aumoins deux heures tranquilles devant vous. Sinon, vous risquez dedécrocher et passer à coté d'un livre qui a sa place à coté decycle comme Dune, Le seigneur des Anneaux, Hypérion...
Voyage vers l'inconnu
Le début de l'histoire est simple : la horde fait face àune tempête si terrible qu'elle risque bien d'être balayée. On lesrencontre pour la première fois, ces vingt-trois héros, dans desconditions terrible, face à la mort, face aux risques imminents delapidation par un vent si violent qu'il est solide. Une entrée enmatière à la Zelzany, directement dans l'action. Peu à peu, lemonde se met en place, on apprend à connaître les aspérités etles failles de chacun.
L'objectif annoncé est simple : atteindre l'extrême-amonten marchant car seul la confrontation avec les formes successives duvent permet de s'endurcir assez pour réussir. Cette horde est la34ème. Toutes les autres ont échoué. Et le vent chuchotte qu'ellepourrait bien être la dernière, l'ultime horde...
Conteur merveilleux de la trempe d'un Gaiman, Damasio fait vivreson monde, nous le présente avec habilité. Avec patience, ilconstruit son récit sans nous assommer d'éléments, il préfèrenous plonger dans le bain, nous laisser boire un peu la tasse,tousser. Et quand on respire enfin, on est totalement accroc !
Attention chef d'oeuvre qui décoiffe !
Je ne vous dévoierait rien de plus sur l'histoire de La horde du contrevent. Elle allie lasimplicité d'une quête linéaire et fanatique à la complexité dela vie, le désir de comprendre pourquoi et comment le mondefonctionne, d'un point de vue scientifique mais aussi philosophique.
Damasio ne contente pas de raconter, il transcende le romanesque etpropose des théories, échafaude une réflexion sur la naturehumaine. Il explore des sujets connexes, étend sa trame, etl'histoire gonfle pour devenir protéiforme, mouvante. La force deDamasio et de ne jamais perdre son récit. Les digressions ne sontpas un étalage de connaissances, les anecdotes sur le vécu despersonnages ne sont pas de la poudre au yeux.
 Chaque ligne, chaquemots est réfléchi, utile, nécessaire. Au centre de ce maelströmde vie et d'aventure, il y a le vent. Le vent qui façonne la planèteet les hommes. Le vent qui écourte leur vie mais qui lui donne aussison sens, sa beauté, sa magie.
Difficile de synthétiser en un article court mes impressions etanalyse sur ce bouquin, tellement il m'impressionne. J'emploie avecconscience le terme de chef d'oeuvre. J'ajouterai aussi que la langueest délicieuse. L'auteur a accompli un travail remarquable surl'étymologie des mots afin de créer des néologismes notamment pourtermes techniques propres à son monde.
Géographe de formation, j'aiété très sensible à la précision et à l'exactitude de sesextrapolations sur la conception de son univers. Par le choix desmots qu'il tord et déforme pour adapter à cette terre, Damasiodonne vie à son livre.
Damasio est un grand écrivain. Il réussit à faire de lalittérature sublime avec de la fantasy ; ce genre où lesauteurs délaissent trop souvent le style au profit de l'histoire,oubliant que la lecture c'est aussi savourer des mots, des phrases,des rythmes.
Comme écouter le vent...Copyright : Marianne Ciaudo

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Kaeru 5607 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte