Quel choix ferais-je si j’étais membre du jury du Prix Marcel Duchamp, sur la base des stands à la FIAC, mais aussi des présentations faites au (vrai) jury cet après-midi ? Cette année, c’est beaucoup plus excitant que le Prix Ricard…
Sur le stand de la FIAC, j’avais aimé les deux sculptures de Guillaume Leblon, morceaux de plage prélevés in situ avec sable fin, crabes et coquillages, puis coulés dans du laiton, un croisement de minimalisme et d’arte povera. Mais la présentation de son travail par son compère de Castillo/Corrales était si absconse, verbeuse et pleine d’auto-référencement curato-centrique que c’était comme fait exprès pour décourager de voter pour lui.
Damien Cabanes est un artiste que j’aime et respecte, et Olivier Kaeppelin en a fort bien parlé. Ses sculptures en céramique colorée sur le stand, portraits de vrais gens, sont éloquentes. Mais il faut choisir, et ses passages entre abstraction et figuration, entre distance solitaire et présence active me déroutent un peu trop pour que mon choix se fixe sur lui.
Et donc (mais c’était un choix bien plus difficile cette année), si je votais, ce serait pour Mircea Cantor (et pourtant je n’ai pas encore vu son exposition au nouveau Credac). La pièce montrée à la FIAC, Fishing Flies, est à la fois grave et ludique : ce carrelet garni de mouches pour la pêche, faites de canettes de boisson redécoupées (récupération à l’africaine) et dotées d’un hameçon, est à la fois menaçant et protecteur, prédateur et maternel, menteur (ce sont des leurres) et naturel. Comme François Quintin le dit dans sa présentation, il fait ressortir le poétique au travers du politique, il joue sur l’incertitude, la grâce et la non-appartenance. J’avais beaucoup aimé sa vidéo sur l’ombre d’un drapeau inconnu se consumant, double représentation énigmatique, et celle à Tirana où des manifestants brandissaient non des pancartes mais des miroirs, reflétant le monde qui les entourait. Et le ballet des balayeuses dans Tracking Hapiness est un pur bonheur, sensuel, chorégraphique et historique à la fois. [On peut aussi voir sur un stand de la FIAC –Yvon Lambert, je crois- sa sculpture ‘Monument to the End of the World’, comme un Tatline anticipatif et carillonnant]. Et quelqu’un filmant son bambin disant « I decided not to save the world » mérite notre estime, non ?Voilà. On saura demain à 11h. Et, l'an prochain, je suis à peu près certain que, quel que soit le lauréat, nous aurons une belle exposition à l'Espace 315.
Photos de l'auteur.