Magazine Côté Femmes

La fille qui avait difficilement survécu à un festival culturel international

Par La Chose

La fille qui avait difficilement survécu à un festival culturel international

Parce qu’une blogueuse influente est régulièrement invitée dans des endroits magiques où elle rencontre des pipôles chaleureux et modestes (comme elle, du reste) et qu’elle tient à partager ces glorieux moments avec son lectorat prolétaire et fauché.

Moi, j’ai toujours aimé les festivaux festiveaux  endroits où on projette des concerts chevelus, des bandes dessinées sexuelles ou des films d’horreur sanglants.
Quand j’étais ado, avec mes amis à moi que j’avais, on est allés au Festival du Film Fantastique à la Mutualité (c’est à Paris, juste à côté de l’église Saint-Nicolas-du-Chardonnet, qui abrite une congrégation de morts-vivants nostalgiques du Maréchal Pétain, alors géographiquement ça tombait plutôt bien)
(Et aussi, rien à voir, mais mon école primaire elle était juste à côté de cette église, et il est temps de confesser que c’est moi qui ai balancé des grenouilles vivantes dans le bénitier en 1982)
(Bref).
Lors de ce festival mémorable, je me souviens qu’on avait vu des films trop bien, comme Shocker et aussi Atomic College, une histoire de punks dépressifs contaminés par des déchets toxiques qui se mettent à fondre du dedans. Dans la salle, il y avait beaucoup de jeunes avec des problèmes d’acné qui riaient très fort en rotant du Coca et en mangeant du pop-corn dans des seaux de deux litres. Quand le film était trop mauvais pour qu’on puisse rigoler en faisant semblant d’avoir peur, on lançait des rouleaux de papier toilette mouillé sur l’écran. C’était très festif et aussi très pédagogique. Ça se terminait vers six heures du matin et on avait enchaîné avec un petit déjeuner équilibré chez Mc Donald.

Tout ça pour dire que quand une copine d’Armorique m’a proposé d’aller à la soirée « Spécial Japon » du festival de courts-métrages fantastiques, je n’ai pas hésité une seconde, en plus j’ai toujours bien aimé les films de Godzilla où des types en costume de Casimir écrasent des maquettes de Tokyo. Même Loutre a accepté de venir, malgré le côté « cinéma fantastique » (Loutre considère Starwars comme le summum de la bêtise infantile et Zombieland comme l’une des causes intrinsèque de la décadence occidentale et de la crise de la dette).

On est donc tous arrivés dans le cinéma (qui n’est pas un cinéma normal où tu vas voir des sous-merdes américaines très distrayantes mais pas très évoluées, non, plutôt un centre culturel qui passe des longs-métrages sud-coréens sous-titrés en croate qui traitent du mal de vivre des paysans traditionnels dans une société post-moderne où ils n’ont plus leur place). Il y avait des employés déguisés et maquillés pour te mettre dans l’ambiance, mais c’était moyennement réussi parce que le type habillé en troll avec un casque, il ressemblait beaucoup à Goldorak si Goldorak avait été hydrocéphale (mais heureusement en vrai il ne l’était pas, sinon les Golgoths se seraient bien marrés et la Terre aurait été dans la merde). La fille déguisée en vampire, elle avait des gros seins, et ça, en général, ça marche très fort dans les festivaux  endroits où on projette des films d’horreur pour trentenaires attardés, sauf que là, personne n’a crié « à poil Vampirella! » , et j’ai commencé à avoir des doutes sur la qualité pédagogique de la soirée qu’on allait passer.
La salle était très grande et pleine à craquer, on a donc voulu s’installer par terre et se commander des choses cancérigènes à manger et à boire, mais on nous a dit que pour des questions de sécurité, tout le monde devait être assis à une place officielle, et aussi qu’il n’y avait rien à manger ni à boire (la fille qui nous a expliqué ça, elle nous regardait comme si on débarquait d’un minibus sale avec des habits couverts de taches suspectes et des pin’s « Fuck me, Ed Gein »). Tout le monde était bien habillé, aussi, les filles en jupes ou en jolies robes, les garçons en poètes maudits ou en chanteurs engagés avec des mèches très rebelles.
Je me suis assise à un bout de la salle et Loutre à l’autre bout puisqu’on avait pas vraiment le choix, mais ça m’embêtait parce que j’aurais bien voulu mater les films à deux et lui faire peur. Et puis trois types habillés comme des pingouins qui avaient des cravates de thanatopracteurs sont montés sur la scène. Celui qui était japonais a commencé à parler dans sa langue à propos de l’imaginaire, du subconscient, de la symbolique, du tsunami terrible qui avait traumatisé les Japonais cette année, et que sûrement on allait comprendre la profondeur du trauma en regardant la sélection de courts-métrages qu’il nous proposait, et puis ils sont partis sous les applaudissements et la projection a commencé.

Pendant les trente premières minutes, j’ai gardé de l’espoir au fond de mon cœur, malgré les images un peu incompréhensibles qui défilaient sur l’écran. A un moment j’ai même cru qu’on s’était trompés de festival et que là c’était la soirée « Poésie transcendantale du Sichuan revisitée par Eric Rohmer », tellement j’arrivais pas à me laisser accrocher par ces plans fixes de fillette aux yeux morts qui se tient debout sous un cube flottant pendant dix minutes, puis ces plans hachurés d’un écolier tokyoïte  qui agresse des filles à coups de parapluie et leur crache du lait demi-écrémé au visage pour simuler une éjaculation faciale (très symbolique, j’y aurais jamais pensé, je dois dire), et aussi ces plans-séquences de quinze minutes sur des types qui déterrent un cercueil (mais on saura jamais ce qu’il y avait dedans, c’est là toute la puissance de la narration).
Je croyais quel les gens assis à côté de moi, ils se faisaient chier, et qu’ils allaient éclater de rire comme moi en se demandant si on les prenait vraiment pour des cons, comme à la FIAC quand on empile quinze bidets sur un socle et qu’on appelle ça « Expression de la vacuité d’un néant nietzschéen ». Mais en fait non, ils discutaient à voix basse à propos de la portée symbolique de chaque plan, de la puissance hallucinante qui se dégageait du montage, et de tout plein d’autres choses dont personne n’aurait l’idée de parler en regardant un bon vieux film de vampires avec Christopher Lee ou une attaque de zombies dans un supermarché de la banlieue de Boston.

Au bout de trente minutes, mon portable a vibré, j’avais reçu un SMS de Loutre qui disait:
« Tu t’es déjà pendue ou bien tu attends l’entracte? »

Au bout de deux heures, on s’était fadé dix ou quinze films et j’avais envie de faire pipi, de faire caca, de vomir et d’éviscérer quelque chose poilu et de mignon, comme un chaton par exemple. Après la projection, on est tous allés dans une grande salle où il y avait un cocktail offert et où on allait remettre les prix. Le président du jury c’était Jean-Pierre Dionnet, et je me suis dit que c’est vraiment pas beau de vieillir (son copain Philippe Manœuvre, il fait juré à la Nouvelle Star avec l’autre cantatrice ratée et le producteur qui a un prénom de gel douche, vraiment c’était mieux quand ils présentaient « Sex machine » dans Les enfants du rock). Tous les spectateurs qui avaient adoré la projection, ils faisaient des « oh » et des « ah », ils applaudissaient très fort et ils riaient beaucoup, on se serait cru à une soirée très hype dans un bar branché de Bastille où on peut manger cent grammes de tapas pour seulement cinquante euros. Loutre avait l’air de vouloir mettre un coup de genou dans les testicules de n’importe qui, même d’une fille, et je me suis dit qu’il était temps de s’en aller avant qu’il y ait des bobos blessés.

En arrivant à la maison, j’avais très envie de dormir, rapport aux plans fixe sur les rues de Kyoto qui duraient six minutes et aux dialogues vivifiants qui m’avaient rappelé les comédies hilarantes de Claude Lelouch. Loutre a filé dans la chambre en grognant des choses à propos d’enculer Bioman au fin fond de la forêt de Brocéliande. Moi, je me suis affalée dans le canapé, j’ai allumé ma télévision et je me suis regardé Les griffes de la nuit, Toxic Avenger et District 9 à la suite, comme une droguée en manque de choses illégales. Après, je suis allée dormir et j’ai rêvé que j’empalais des enfants japonais en brûlant des cierges à la gloire de Jason Voorhees.
Vivement le prochain festival culturel, qu’on puisse ne pas y aller et commander des pizzas en regardant L’attaque des tomates tueuses.


Filed under: A propos des films, des livres et des chansons pourries qu'on télécharge de toute façon illégalement

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


La Chose 1831 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte