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J’ai guidé un australien dans les salles obscures parisiennes

Par Tred @limpossibleblog
J’ai guidé un australien dans les salles obscures parisiennesC’est toujours lorsque l’on a un ami venu de l’autre bout de la planète que l’on trouve que la programmation dans les salles de ciné laisse à désirer. Surtout si l’ami en question se fait un peu difficile arrivé devant un cinéma affichant près de vingt films dans ses salles, faisant preuve d’un flagrant manque d’enthousiasme à chaque titre de film annoncé. Australien passant un an à sillonner l’Europe, Jonas était depuis deux jours à Paris, fin septembre, et comptait sur son passage dans la capitale mondiale de la cinéphilie (je lui ai peut-être rabâché ça une ou deux fois…) pour se faire une toile.
Évidemment, la grosse sortie américaine de la semaine était un film que ni lui ni moi n’avions l’intention de voir, Identité secrète avec Taylor Lautner, star de Twilight cherchant à se transformer en action star. Voilà déjà un film de rayé sur la liste. Restless ? We need to talk about Kevin ? Warrior ? Shark 3D ? Aucun film n’a déclenché une folle envie de ciné chez Jonas (qui maîtrisant seulement deux ou trois phrases très ciblées de français ne se sentait pas d’aller voir autre chose qu’un film en anglais bien sûr). Finalement, à la fin de la journée, épuisé par une après-midi de marche à travers les rues parisiennes et désireux de se poser, l’australien était enclin à se laisser tenter par Warrior… manque de bol avec une durée de près de 2h20, les horaires des séances ne collaient pas.
C’est alors que je lui montrai ce qui passait à l’Orient Express, cinéma à la programmation souvent en léger décalé par rapport aux nouveautés, et que l’œil de mon ami australien se mit à briller lorsqu’il entendit le titre « La planète des singes : les origines ». L’enthousiasme était enfin là. Depuis qu’il avait entamé son tour d’Europe qui durera un an, Jonas n’avait pas vraiment eu le temps d’aller au ciné, et la rumeur mondiale grondant sur les qualités du prequel ayant cartonné cet été (en France autant qu’ailleurs, avec 3 millions d’entrées au compteur), toutes les autres possibilités cinéphiles s’évaporèrent dans son esprit. Il ne repartirait pas de Paris sans avoir vu le film de Rupert Wyatt !
J’ai guidé un australien dans les salles obscures parisiennesPour ce soir-là, c’était trop tard, et le lendemain, je n’aurais pas le temps d’aller revoir le film avec lui, ayant déjà d’autres engagements cinéphiles. Mais je lui proposai tout de même d’aller voir le film à une heure qui me permettrait de le guider jusqu’au cinéma, lisant sur son visage le doute lorsque je tentai de lui expliquer la situation de l’Orient Express, le cinéma le plus profondément enfoui de la capitale, planqué au dernier sous-sol du centre commercial des Halles.
Le lendemain donc, entre un Restless mou du genou mais ayant ses beaux moments (Hiroshi, le fantôme japonais !) et le dérangeant et fascinant We need to talk about Kevin, je retrouvais mon touriste de Perth au-dessus des Halles. Entre temps, je m’étais fait la réflexion qu’il vaudrait peut-être mieux le prévenir que le cinéma dans lequel il allait s’embarquer était… comment dire… un peu spécial. Pas franchement au top du confort. Je le mis donc en garde. « Bon, Jonas, au fait, j’ai oublié de te dire hier… le cinéma dans lequel La Planète des Singes passe… c’est un peu le plus pourri de Paris. Les salles sont minuscules, c’est au dernier sous-sol du centre commercial, il fait chaud, y a pas de clim’ (ce week-end là, les températures étaient estivales !), si t’as un mec devant toi ça te bouche une partie de l’écran, et surtout, surtout, t’as le RER qui passe sous tes pieds, toutes les 3 minutes tu sens les vibrations du train. Mais bon c’est le dernier cinéma de Paris qui passe le film en journée, donc c’est ça ou rien ».
« Really ? » me répond-il. « Bah, c’est pas grave, l’important c’est que je le vois dans une salle de cinéma, ça sera toujours mieux que le voir sur un petit écran. Et puis au moins comme ça la place est moins chère, right ? ». « Euuuuuh, baaaaah, non en fait, pas right du tout, j’ai bien peur que le prix soit dans les standards des cinémas parisiens, c’est quand même 9 euros la place ». Comment se fait-il que lorsque l’on va voir un film dans une salle minuscule de l’Orient Express, pas climatisée et ronronnant des vibrations du RER, le prix est le même que si l’on se rendait dans une belle salle de 300 places confortable et parfaitement insonorisée ?
J’ai guidé un australien dans les salles obscures parisiennesDepuis le temps que mon ami australien m’avait prévenu de sa visite parisienne, je lui vantais les mérites de la cinéphilie parisienne, la qualité des salles de la capitale française, la diversité de l’offre cinématographique, des vieux films du Quartier Latin aux salles populaires des Halles, de Montparnasse ou d’Opéra. Mais lorsqu’une seule salle de Paris programme LE film que l’on a envie de voir, la diversité ne compte pas. Pour Jonas l’australien, ce film était La planète des singes : les origines, et la salle donc, l’UGC Orient Express. Des mois à vanter les cinémas de Paris, et il faut que mon ami aille caler ses fesses dans une salle de l’Orient Express, me faisant tout de suite honte.
La chance, c’est que le touriste de passage n’est pas forcément regardant sur la qualité de la salle mais surtout sur celle du film qu’il voit, et en l’occurrence, avec La planète des Singes, la qualité était au rendez-vous, et a pris le dessus sur les têtes mangeant une partie de l’écran, sur le RER vrombissant sous les pieds, sur l’écran minus et le prix maousse. J’ai appris à ne plus me plaindre de la qualité des salles de l’Orient Express. La carte illimitée aidant, et les efforts constants pour voir un film partout sauf au cinéma du sous-sol des Halles, j’ai fini par m’habituer à la présence de cet étrange UGC dans la cartographie cinéphile parisienne. Car après tout, en dernier recours, cela reste toujours préférable à un écran de télévision, comme me l’a justement fait remarqué mon ami australien (qui a dit « et d’ordinateur aussi ! » ? Au coin !).
Alors voilà, j’ai voulu faire découvrir les salles de cinéma parisiennes à un australien. Mais tout ce qu’il a découvert, c’est le sous-sol des Halles un dimanche après-midi. Au moins le dimanche, les métros et RER sont plus rares…

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