Magazine Culture

L’idée d’un homme…

Publié le 01 novembre 2011 par Svtcolin

Diogène de Sinope était quelqu’un de sympathique à bien des égards, et j’aime les anecdotes que l’on rapporte à son sujet…
C’est un peu le père de tous les punks à chiens, vivant dans une amphore et amis des canidés, il reçoit la visite d’Alexandre le grand (probablement une sorte de campagne électorale antique) qui, devant la simplicité de la vie du philosophe, demande à Diogène ce qu’il peut faire pour lui, et sa réponse est une sorte de "casse toi pauv’ con" bien plus raffiné : « hôte-toi de mon soleil »…
L’idée d’un homme…L’idée d’un homme…
Diogène en tant que fondateur de l'école cynique est aussi l’ennemi du grand Platon et de son Académie. Ainsi lorsque Platon affirme que l’Homme est une idée, Diogène déambule avec une lanterne en pleine journée dans les rues d’Athènes,  à la recherche du vrai Homme de Platon dans sa forme idéale. Et quand Platon décrit l’Homme comme un bipède sans plumes et sans cornes, Diogène présente avec culot, un poulet sans plumes et sans ergots et affirme : « voici l’Homme de Platon !! »
Le philosophe, oublié par le christianisme, avait ici émis une idée remarquable, qui ne sera appliquée aux classifications que 2000 ans plus tard dans le cadre de la systématique phylogénétique (ou cladistique - voir cet article précédent ) : L’idée essentielle que l’on ne peut classer en s’appuyant sur l’absence de caractère pour définir un clade (un groupe).
Ainsi l’absence de vertèbres qui définit les « in-vertébrés » produit un groupe paraphylétique qui n’a pas de sens d’un point de vu évolutif. Si l'on s'en tient au texte, les pins, les bactéries, les camions,et les cuillères sont des invertébrés, et finalement la seule raison d’être du groupe des invertébrés est de mettre en valeur le groupe des vertébrés dont fait partie, la plus parfaite, la plus évoluée, le plus sublime de toutes les espèces: l’Homme évidemment. En fait, un groupe paraphylétique c’est une sorte de groupe « par défaut de caractère ».
D’autres exemples de groupes paraphylétiques (basés sur une absence d’un caractère) sont bien connus chez les vertébrés :
Les agnathes : craniates sans mâchoires (mâchoires que les hommes ont !)
Les poissons : vertébrés sans pattes (pattes que les hommes ont !)
Les reptiles : amniotes sans plumes ni poils et non homéothermes…
Ces groupes paraphylétiques sont à distinguer des groupes polyphylétiques basés sur des ressemblances non hérités d’un ancêtre commun. C’est le plus souvent une convergence évolutive. Ainsi si vous regroupez tous les animaux qui possèdent un bec corné (ex : tortues, oiseaux, ornithorynque et échidné) vous créez un groupe polyphylétique. Le bec corné est une convergence et non une caractéristique commune à un hypothétique ancêtre commun aux oiseaux, chéloniens, et monotrèmes…
L’idée d’un homme…  Les vautours sont un exemple de groupe polyphylétique qui rassemble tous les oiseaux ayant une « gueule de vautour », et ce même s’ils sont situés sur des continents différents, et issues de lignée évolutives distantes.
L’idée d’un homme…L’idée d’un homme…  [ Le vautour fauve des Pyrénées, et le vautour aura d'Amérique ]
Dans la construction d’une classification ces groupes n’ont pas d’intérêts, mais de notre point de vue biaisé d’humains, ils peuvent conserver un intérêt. Ces groupes ont une réalité écologique ou physiologique le plus souvent, ils n’ont pas étés crées par hasard non plus…
Ainsi le groupe polyphylétique des homéothermes qui regroupe les animaux à "sang chaud" à une raison d’être car les oiseaux comme les mammifères adoptent le même genre de solutions pour réguler leur température, avec des implications  importantes d’un point de vue physiologique.
De même les « poissons » qui sont les vertébrés qui occupent l’écosystème marin et dulcicole ont un sens pour celui qui s’intéresse à leur écologie plus qu’à leur classification, idem pour les vautours et leur niche écologique de charognard… Et bien sur dans la vie de tous les jours vous pouvez continuer à manger des actinoptérygiens… poissons panés !
Si Diogène était parmi nous aujourd’hui peut-être serait-il le défenseur de ces groupes emprunts d’un certain réalisme matérialiste, plutôt que des groupes parfois abstraits issus d’une pensée conceptuelle comme aurait pu les concevoir Platon. L'actinoptérygien est-il une idée, le poisson une réalité ?
Concluons donc que les difficultés que rencontre une classification phylogénétique à s’imposer, sont liées au fait qu’elles s’oppose parfois au « bon sens » où aux réalités écologiques telles que nous les percevons. Contre-intuitive, elle n’est est pas moins juste et pertinente dans la mission qu’on lui donne : classer scientifiquement la diversité du vivant.
à lire également:
Le blog: "les poissons n'existent pas" : http://fish-dont-exist.blogspot.com/2011/09/les-mysteres-de-la-phylogenie.html
[Retour à l'accueil]

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Svtcolin 362 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte