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Strasbourg : rencontre avec Dany-Robert Dufour

Publié le 27 février 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com
jeudi 28 Février à 17h30, Dany-Robert Dufour et Jean-Pierre Lebrun seront présent à Librairie KLEBER à Strasbourg pour une rencontre-débat à la Salle Blanche. Dany-Robert Dufour est un philosophe, Professeur de Sciences de l’Education à Paris VIII et Directeur de programme au Collège International de Philosophie.Caroll de Maistre-Riot Directrice littéraire de Relatio particpe à l'évènement.
Dany-Robert Dufour enseigne régulièrement à l’étranger, en particulier au Brésil et au Mexique. Il collabore régulièrement à des activités artistiques (littérature, musique, théâtre). Son travail porte principalement sur les processus symboliques et se situe à la jonction de la philosophie du langage, de la philosophie politique et de la psychanalyse. Après “L’Art de réduire les têtes. Sur la nouvelle servitude de l’homme libéré à l’ère du capitalisme  ” (Denoel 2003). "On achève bien les Hommes. De quelques conséquences actuelles et futures sur la mort de dieu.  Aujourd’hui “Le Divin Marché. La révolution culturelle libérale”. (Denoël 2007). En philosophe et “compagnon de route” de la psychanalyse lacanienne, Dany-Robert Dufour dans cet essai à la fois philosophique et pamphlétaire poursuit ses analyses radicales de notre société dans laquelle il décèle une désymbolisation généralisée et une désubjectivication de l’humain et il s'interroge sur la place de la morale ultralibérale aujourd'hui. L'ambition de son livre est de faire apparaître les lieux décisifs où nous sommes aujourd'hui "salopés" par le marché. Il démontre ainsi, avec une remarquable clarté et d'une grande lisibilité, qu'une véritable révolution culturelle est en en cours. Qui nous mènera jusqu'où? 
  Cette rencontre publique sera précédée d’un aparté avec Caroll de Maistre-Riot. Une discussion à bâton rompue, qui vous sera livrée très prochainement sur Relatio. Psychanalyste, spécialiste de la vie des idées et de l’actualité littéraire et culturelle, Caroll de Maistre-Riot assume les fonctions de Directrice littéraire et de conseiller de la Direction.


Pour approfondir avec Dany-Robert Dufour

Dans son premier livre (Le bégaiement des maîtres), il revient sur l'enseignement de ses maîtres structuralistes (Lévi-Strauss, Barthes, Benveniste, Lacan...) pour montrer que leurs propositions visant à rendre compte, par des structures binaires, du récit (comme, par exemple, cru/ cuit), de l'énonciation et de l'inconscient, reposent en fait sur des axiomes non-binaires, mais "unaires", à un terme, structurés comme un bégaiement. C'est cette logique paradoxale qui se fait particulièrement entendre dans la définition que donne du sujet parlant la linguistique de l'énonciation de Benveniste: "est je qui dit je" ou la théorie lacanienne du stade du miroir ou encore la définition du récit lévi-strassienne du récit qui se développe en se constituant lui-même comme son propre contexte.
Dans son second livre (Les mystères de la trinité), il travaille sur une autre logique non-binaire, mais "trinitaire" qui prévaut dans les systèmes narratifs et symboliques érigeant un tiers (un Autre) indispensable à la formation du sujet et du lien social. Ce qui lui permet d'opposer une logique binaire (à l'oeuvre dans les sciences) aux logiques trinitaires à l'oeuvre dans l'énonciation, l'inconscient et le récit. Dans plusieurs de ses livres ultérieurs, Dany-Robert Dufour fait une large place au concept de néoténie [1] que beaucoup de philosophes et de penseurs (de Platon à Lacan en passant par Kant et Freud) ont pressenti sous des noms divers qui tous renvoient à l'inachèvement de l'homme à la naissance. C'est cet inachèvement qui oblige l'homme (au contraire des animaux) a suppléer à ce manque de nature par la culture - ce qui ne manque pas de poser la question de savoir si l'homme n'est pas engagé, via la pensée binaire et les techno-sciences, dans un processus de transformation de sa propre nature.Dans ses derniers livres, Dany-Robert Dufour s'interroge sur la mutation post-moderne (ce que Lyotard appelle "la fin des grands récits") qui laisse le sujet contemporain en panne de récits fondateurs. Il fait l'hypothèse que nous sommes passés d'un sujet moderne (critique au sens kantien du terme et névrotique au sens freudien du terme) à un sujet post-moderne (a-critique et post-névrotique). Or, ce nouveau sujet (flexible, si ce n'est précaire) fait bien l'affaire du libéralisme ambiant dans la mesure où il peut s'accorder bien mieux que l'ancien sujet critique aux flux toujours mouvants de la circulation de la marchandise. Ce qui amène Dany-Robert Dufour à développer une interrogation à l'endroit des philosophies post-modernes des années soixante (Deleuze, Foucault...): elles sont alors apparues comme hautement révolutionnaires dans leur critique des institutions, il se demande s'il ne faudrait pas aussi les penser comme ayant accompagné le changement de mode de régulation du capitalisme abandonnant le contrôle institutionnel au profit d'une désinstitutionnalisation généralisée, entraînant certaines formes de désymbolisation favorisant, moins l'apparition du "schizo" deleuzien ou du "fou" foucaldien que la généralisation des états-limites (voir "Psychanalyse et états limites" in Trouble de la personnalité borderline). Dans son dernier livre, Le Divin Marché, la révolution culturelle libérale, il tente de montrer que, bien loin d'être sortis de la religion, nous sommes tombés sous l'emprise d'une nouvelle religion conquérante, le Marché, fonctionnant sur un principe simple, mais redoutablement efficace, mis au jour par Bernard de Mandeville en 1704: "les vices privés font la vertu publique". Ce miracle étant permis par l'intervention d'une Providence divine (cf. la fameuse "main invisible" postulée par Adam Smith). Dany-Robert Dufour tente, dans ce dernier livre, de rendre explicites les dix commandements implicites de cette nouvelle religion, beaucoup moins interdictrice qu'incitatrice. A l'instar de Jean-Claude Michéa, il montre aussi comment Mai 1968 peut être analysé comme une formidable ruse de l'histoire où les étudiants en lutte contre l'ancien capitalisme ont globalement réussi à obtenir des résultats exactement contraires à ceux qu'ils s'étaient fixés en ne s'avisant pas que leurs combats allaient pouvoir servir à la mise en place d'une toute nouvelle forme de capitalisme dérégulé et désinstitutionnalisé. En ce sens, Mai 68 pourrait relever d'un esprit libéral plutôt que réellement libertaire, la transgression permanente offerte aux individus ne pouvant aller que dans le sens d'une libération des passions et des pulsions indispensable à l'extension du règne de la marchandise. Ainsi les pensées conjugées de Gilles Deleuze, Pierre Bourdieu et de Michel Foucault, passant pour hautement révolutionnaires dans leur remise en cause radicale de toute culture et de toute identité, sont allées dans le sens d'une désymbolisation libérale des individus (une désinhibition symbolique) et ont contribué, sans nécessairement le vouloir, à laisser le marché conquérir plus facilement les esprits.
Essais   * Le bégaiement des maîtres: Lacan, Émile Benveniste, Lévi-Strauss, Réed. Arcanes, 1988.   * Les mystères de la trinité, Bibliothèque des Sciences humaines, Gallimard, 1990. * Folie et démocratie, Gallimard, 1996. * Lacan et le miroir sophianique de Boehme, EPEL, 1998. * Lettres sur la nature humaine à l'usage des survivants, Petite bibliothèque philosophique, Calmann-Lévy, 1999. * L'Art de réduire les têtes : Sur la nouvelle servitude de l'homme libéré à l'ère du capitalisme total, Denoël, 2003 *On achève bien les hommes : De quelques conséquences actuelles et futures de la mort de Dieu, Denoël, 2005. * Le Divin marché, Denoël, 2007. Roman  *1993. Les instants décomposés, Julliard.

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