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Off de Huguette Champroux

Par Florence Trocmé

Huguette Champroux à quatre ans, lisant seule. Les bijoux en plastic d' Huguette Champroux. Le cendrier portatif d' Huguette Champroux (argenté, rond). [...] Huguette Champroux en dactylo puis en femme de ménage. [...] Le maquillage d' Huguette Champroux (toujours excessif, souvent décalé). Les bérets d' Huguette Champroux, ses jupes, façon gitane (au sol, damier d'étoiles). Le goût d' Huguette Champroux pour le pastis. [...]. Huguette Champroux dans Banana Split("Cette commotion appelée Poésie")

Off de Huguette Champroux On aura reconnu dans ces fragments les images d'un cinématon comme les affectionne Liliane Giraudon (Mes bien-aimé(e)s ). Le portrait en entier dans la revue Action Poétique, n° 183 (mars 2006) qui s'emploie à mettre en lumière l'œuvre et la personne d'Huguette Champroux (1931-2003) au travers de quelques témoignages, et d'extraits de l'œuvre.

Les éditions Le Bleu du Ciel amplifient le processus de reconnaissance, de mise en valeur avec Off, du nom du poème retenu pour ouvrir une anthologie de textes publiés essentiellement aux éditions La Main courante ou Ecbolade.

Pierre Courtaud, introduit à l'œuvre par un " Comment cela peut-il fonctionner ? ", tandis que Christophe Marchand-Kiss précise en son Prélude : " Une autobiographie est plus rapidement épuisée. Elle n'existe pas, et surtout pas chez Huguette Champroux. S'il y a des signaux, laissons-les à leur vie de signaux. Il n'y a que l'écriture. "

L'anthologie couvre les années 1957 à 2003, et offre à la fois une grande variété de recherches formelles en même temps qu'une unité reconnaissable que définit bien Geneviève Huttin qui écrit : " Elle aura cherché à partir d'un voyage à Rome en 1958, la spatialisation, " écrire c'est entrer en espace, au lieu de céder à la séquence temporelle du langage ", la spatialisation était une de ses intuitions poétiques, voir son recueil " le Cavalier King Charles " (Action poétique, op. cit.).

Dans sa préface à Un Journal (Flammarion), Philippe Beck affirme :
" J'appelle poète l'homme qui scande exactement les phrases de l'éthique à venir "

Je n'arrive pas à naître d'un mot en arrière./C'est ainsi que Je peut s'estomper. Il y a cette réponse./ Le grand texte n'est pas une affaire constante./Mais (je ne me relis pas bien) c'est l'affaire qu'on vous fait entendre toujours quand vous parlez vous êtes quelqu'un. [...]
Vous avez un début juste avant le vide. Vous avez de plus un langage qui devrait restituer ce vide. (" La musique adoucit les murs ")

comme celles-là :

Lucrèce s'irrite quelques fois qu'il y ait tant de différence entre les atomes, - que le souffle ne soit ni l'âme ni l'esprit. Et il commence Dieu sait pourquoi à parler de domination et de lutte des classes. De même chose rare à notre époque il parle du plaisir. Et du sommeil et du rêve.
Et de ce qui est entre nous et les choses (ou à la place de nous) " les simulacres " ?
Soit, prolongements accentuations. Telle est la montagne Ste-Victoire dans le grand texte. Soit escamotage miniaturisation. Et à chaque fois que se présente un obstacle c'est déjà celui de l'idéologie. Il propose de laisser un vide. Le plein étant toujours la mort historique.

témoignent de ce souci, comme elles disent un matérialisme poétique qui s'épanouit dans la voix de l'écriture (HC fut productrice à France-Culture, en particulier de Chant pour Pascale) et dont les recherches musicales d'Emmanuel Miéville, son fils sont une sorte d'écho. A cet égard, l'émission Surpris par la nuit consacrée à la poète l'illustrera à l'envi.

Aussi le lecteur qui voudra approcher son œuvre aura sans doute intérêt dans un premier temps à ne pas l'aborder de manière linéaire, chronologique, mais plutôt à glaner ci et là selon la forme qui l'aura retenu, ici vers brefs et blancs nombreux, là texte serré, compact, là manière de narration, là encore manière de chant. Et ce sera Sulfures, ou l'Oxane, pour passer à Villégiature, faire le détour par Face A, revenir à La récolte du barras. 350 belles pages s'offrent ainsi à son exploration, son écoute, le rendant sensible à un processus créateur, qu'illustre particulièrement bien " Cette commotion appelée poésie ". Ce titre en hommage à Reverdy (cf. l'exergue), souligne que les recherches formelles d'Huguette Champroux s'inscrivent dans un héritage (tout comme l'œuvre " démarre " dans la mouvance charienne) dont elles ne sacrifient ni la tenue ni la visée, comme en atteste :

Projet déterminé (sans date) :

Écrire une variation déterminée, serait-ce d'un " formalisme idéaliste ? " (comme à l'accoutumée).

Proses poétiques, notes, fictions. Lieux réels. Lieux de langage.

Revenir sur les amorces narratives. La voix. La cache. L'oreille enten­due par les gestes. (Ou l'oreille peut entendre le tissu).

Tout cela pouvant avoir extension de fragments biographiques.

Et, peut-être, phrases (organisant un registre plus narratif) de certains textes écrits ou publiés par ailleurs (plus anciennement)

Huguette Champroux.
Anthologie réunie par Christophe Marchand-Kiss
Parue le : 01/10/2007
Éditeur : Le Bleu du ciel
20 €


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