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la bonne paye de mots

Publié le 02 novembre 2011 par Aymeric

C’est bien embêtant quand des décisions d’à peu près égale légitimité viennent s’opposer.
Bien embêtant et même effrayant quand la lutte en question aura, on peut le craindre, une assez vaste étendue de dégâts.
Du peu que j’en sais, nous avons, d’un côté donc, un peuple qu’il est un peu facile de considérer comme entièrement responsable des errements des politiques et qui doit tout d’un coup faire face à une baisse conséquente de ses revenus avec en plus le sentiment que ses voisins et partenaires mêlent à une aide réelle un discours et quelques exigences tenant de la promotion de la vertu et de la répression du vice budgétaire.
Grèves générales sur grèves générales, manifestations durant lesquelles on a le sentiment que la violence ne demande qu’à s’embraser ; plus généralement une nation dans un état de tension difficilement supportable.
Dans ces conditions  il me parait difficile de ne trouver aucune légitimité au référendum proposé par Papandreou. Ses concitoyens doivent faire face à un tel coup de tabac que leur demander leur avis n’a rien de scandaleux.
D’autant qu’avec un vote en février et le débat qui le précédera il n’est pas impossible que les électeurs trouvent que le chemin de l’austérité, s’il est possible d’en voir le bout, soit un moindre mal auquel ils sacrifient volontairement.
Mais pour l’instant personne n’y croit.
Et dans l’intervalle la suspension de la mécanique mise en route n’ira pas sans dégâts.
Le niveau de vie de la Grèce, son avenir à court terme mais aussi ceux de l’ensemble de l’Europe comme institution et comme population vont très probablement faire face à des secousses propres à briser pas mal de choses et de gens.
Ces multiples facettes ne semblent pas pouvoir être vues ensemble par beaucoup des débatteurs de l’agora des avis tranchés et lapidaires sur le référendum grec.
Ici, on sacralise les 50,1 % en l’appelant peuple et en lui donnant tous pouvoirs sur les perdants et quiconque ne sacrifie pas à son culte est un fasciste.
Là, on considère que la poursuite de l’intérêt général demande tellement de compétences et de recul qu’il ne peut plus se concevoir que dans les cabinets d’initiés, loin des appréciations électorales et prétendre le contraire serait faire preuve de la dernière démagogie… voire de fascisme.
Il y a autre chose qui m’a frappé dans cette querelle de gloses à 140 caractères, c’est un aspect rhétorique utilisé par les adorateurs du peuple. (Adorateurs qui ne passent pas forcément par la case Petit père, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit.)
De très nombreuses fois, ceux-ci sortaient l’acronyme TINA (There is no alternative) tant utilisé par Thatcher, comme argument massue et ricaneur censé, par l’exemple de sa vacuité, réduire l’essentiel de l’argumentaire de leurs vis-à-vis à un baratin sans substance.
Bon soldat de la cause, Gérard Mordillat s’était d’ailleurs appliqué à recenser pour dénoncer dans un livre paru il y a quelques mois, « un vocabulaire lénifiant ou novlangue qui a labouré nos esprits éclairés, puissance des MOTS tels que "salaires" remplacé par "charges sociales" comme si le salarié ne servait en définitive à rien. »
Je veux bien. Et je n’aurai pas le toupet de prétendre que les éléments de langage ne sont pas là pour habiller les faits des atours les plus chers à son cœur. Mais, pour autant, les pourfendeurs de la novlangue néo libérale ne tomberaient-ils pas dans le même travers ?
Car nier la pertinence d’une formule ou d’un mot fait-il disparaitre magiquement ce qu’ils désignent, même si c’est en pour en valoriser tel ou tel aspect ?
Se gausser du TINA créera-t-il toujours de vraies alternatives ?
Le retour au mot salaire, fera-t-il disparaitre le coût du travail ?
A vouloir détruire la mécanique argumentaire des ses opposants ne risque-t-on de rester, tout autant qu’eux, le nez collé dans les mots ?
Je m’interroge.


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